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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

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est nécessaire que le» États se rassemblent à l’occasion des réponses que j’y ferai, nous y pourvoirons dans les temps. »

Cette réponse fut pour les émissaires de la cour une nouvelle raison de ramener les autres à l’autorité du roi. Chacun se tint prêt à présenter ses cahiers le 23 février suivant.

C’était le jour auquel devait se faire la clôture des États. Leurs Majestés s’y rendirent avec la même pompe qu’on avait vu à l’ouverture de l’assemblée.

L’évêque de Luçon s’avança pour présenter au roi le cahier du clergé, et le harangua. Son discours roula sur la suppression de l’hérédité et de la vénalité des charges ; sur les retranchements des dépenses excessives en gratifications et en pensions accordées sans nécessité ; sur la restitution des biens de l’Église possédés par des huguenots ; sur l’accomplissement du double mariage ; sur les bénélices donnés comme des récompenses à des gentilshommes laïques ; sur la part que les ecclésiastiques devaient avoir aux affaires de l’État, et sur les louanges de la reine, à qui il exhorta le roi d’en laisser toute l’administration.

Le président de Senecey harangua le roi à son tour. On fut surpris que la noblesse suivit ainsi les impressions du clergé, et que ces deux ordres eussent concerté ensemble les principaux points qu’ils devaient mettre à la tête de leur cahier. Tels étaient la publication du concile de Trente, le rétablissement de la religion romaine dans le Béarn et ailleurs ; une défense absolue aux cours souveraines de prendre connaissance de ce qui concerne la foi, l’autorité des papes, les règles monastiques, les règlements des appels comme d’abus, la réformation des Universités, le rétablissement des jésuites, etc.

La harangue du prévôt des marchands, qui parla pour le tiers état, parut plus judicieuse et plus solide. Il prit un tempérament beaucoup plus digne de l’occasion où il se trouvait. Il toucha mieux qu’aucun ordre les véritables causes des désordres du clergé, et proposa des remèdes plus convenables et plus efficaces. Il ne s’éleva pas moins fortement contre les excès de la noblesse et des gens de robe. Enfin, il recommanda au jeune roi le rétablissement de la police et du commerce, la bonne administration des finances, l’abolition des pensions accordées sans nécessité, le soulagement du peuple et la diminution des tailles.

On avait promis aux trois ordres que le roi répondrait à leurs cahiers avant qu’ils sortissent de Paris. Cependant, comme on ne voulait leur accorder aucune des choses principales qu’ils demandaient, la cour était embarrassée, et ne savait comment renvoyer les députés dans leurs provinces.

On leur permit de s’assembler encore, pourvu que ce ne fût dans aucun lieu public, et qu’ils ne prissent aucune résolution sur les affaires traitées dans l’assemblée générale ; et comme la reine voulait au moins sauver les apparences, elle fit rédiger sous trois chefs les propositions contenues dans les cahiers. Le premier concernait les affaires de l’Église ; le second, celles de la noblesse ; et le troisième, celles du tiers état.

Tous ces points devaient être examinés dans des bureaux composés de plusieurs commissaires du roi qui devaient en faire le rapport à Sa Majesté.

Chacun jugea favorablement de ces dispositions. On entra dans un examen qui fit bientôt naître des disputes entre les députés.

C’est ce que la cour demandait ; elle voulait les lasser par une discussion sur laquelle ils ne s’accordaient pas ; et l’on ne trouva point de prétexte plus spécieux pour les renvoyer dans leurs provinces.

En effet, les députés furent mandés au Louvre le 24 mars. On leur déclara qu’on avait trouvé un si grand nombre d’articles importants dans les cahiers, qu’il n’était pas possible que le roi y répondît en si peu de temps qu’il l’aurait souhaité ; que cependant Sa Majesté voulait bien donner des marques sensibles de sa bonne volonté aux États, en répondant favorablement à leurs cahiers et afin de régler ce qui en dépend, d’établir une chambre de justice pour la recherche des financiers, de retrancher les pensions, et de pourvoir le plus tôt possible à tous les autres articles.

Puis la reine prenant la parole, dit elle-même qu’un si long séjour à Paris leur causant beaucoup de dépenses, il était temps qu’ils songeassent à s’en retourner chez eux.

Ainsi finirent les États généraux, dont le bien public avait été le prétexte, mais qui, par les factions opposées à la régence, par les intrigues de ceux qui avaient intérêt qu’on ne fit aucune réforme dans l’État, par les divisions entre les chambres, par le délai qu’on apporta à répondre à tous les articles des cahiers, devinrent absolument inutiles, et ne produisirent aucun des bons effets que l’on en attendait.

Chacun était mécontent de la manière dont on avait congédié les États. Le Parlement surtout se plaignait des atteintes que la cour elle-même avait données à l’autorité royale. Le maréchal de Bouillon engagea adroitement cette compagnie à se déclarer la première contre ses abus.

Il fit si bien par ses intrigues, que trois jours après la dissolution des États, deux magistrats de chaque chambre des enquêtes furent nommés pour aller prier le président d’assembler promptement tous les autres. Mais la délibération et les