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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

l’Université dresserait son cahier de demandes mais les facultés ne purent convenir sur ce qu’elles avaient à demander : deux même gardèrent le silence, et lorsque le recteur présenta son cahier au clergé, on le rejeta sous prétexte qu’il n’avait pas été dressé de concert avec les quatre facultés.

Le clergé et la noblesse prirent même de là occasion de demander la réformation de toutes les Universités du royaume, et que les jésuites fussent admis dans celle de Paris, en se conformant toutefois à ses ordres et à ses coutumes. Mais cette proposition n’eut aucun effet.

Le clergé et la noblesse avaient aussi dressé un article pour demander au roi l’accomplissement de son mariage avec l’infante, et de celui de madame Élisabeth de France avec le prince d’Espagne ; on ne pouvait rien faire de plus agréable à Marie de Médicis ; mais la joie qu’elle en eut fut mêlée de quelque amertume.

Les trois ordres demandèrent conjointement que le roi voulût établir une chambre composée de personnes prises dans les États, pour la recherche des malversations commises dans le maniement des finances.

Ce furent les partisans du prince de Condé qui mirent cette affaire sur le tapis. Leur vue était de faire rendre compte à la régente de son administration. Cette princesse l’éluda adroitement, et fit si bien, par ses intrigues, qu’elle empêcha les États généraux d’en connaître. Ses partisans se contentèrent de dresser un article en termes forts et pressants, pour donner des avis au roi sur la manière de régler sa dépense. Mais la cour ne s’en mit pas en peine, persuadée qu’après la séparation des États, elle ferait ce que bon lui semblerait. Il lui fut d’autant plus facile de rompre l’union des ordres sur cette affaire, qu’ils étaient, à l’occasion d’un article reçu dans la chambre du tiers état, alors divisés. Cet article regardait la puissance souveraine du roi et la sûreté de sa personne.

La cabale jésuitique prévalut, et fit ôter cet article du cahier, comme pernicieux à la religion, et tendant à causer un schisme dans l’Église.

Le Parlement rendit un arrêt pour soutenir cette maxime que le roi ne devait reconnaître aucun supérieur au temporel dans son royaume : maxime qu’il regardait comme une des lois fondamentales de la monarchie, tandis que le clergé la combattait ouvertement dans l’assemblée solennelle des États.

Le clergé se plaignit de cet arrêt, et dressa un article pour la sûreté et la vie des princes. Le roi évoqua à lui le différend. Mais le clergé n’eut point de repos qu’il n’eût fait ôter du cahier l’article du tiers état et de la paulette.

Ces divisions étaient la conjoncture la plus favorable que la cour pût avoir pour congédier cette assemblée. La reine mère et ses ministres résolurent d’en profiter.

On fit savoir aux trois chambres qu’elles eussent à mettre incessamment leurs cahiers en état d’être présentés au roi. C’était, disait-on, pour établir le calme dans les provinces qui commençaient à s’agiter ; mais c’était en effet pour dissoudre l’assemblée qui finissait de droit après la présentation des cahiers. La noblesse s’en aperçut, et commença à se défier de ce grand empressement des ministres. Elle engagea le clergé à demander que les cahiers fussent répondus avant la séparation des États.

Une pareille délibération alarma extrêmement la reine et les ministres. Ils entreprirent de gagner le clergé pour se retirer d’un pas si délicat. L’archevêque de Bordeaux se chargea de cette intrigue. Le cardinal Duperron le seconda de tout son pouvoir.

Ils firent entendre au clergé que jamais il n’obtiendrait l’effet de ses demandes, tant que l’assemblée serait sur pied ; que les députés du tiers état y formeraient toujours des obstacles invincibles ; ils lui débaucheraient peut-être la noblesse avant que le cahier fût présenté ; au lieu que l’assemblée une fois séparée, le tiers état ne traverserait plus le clergé par ses remontrances, et que le roi serait en pleine liberté d’avoir égard à ses représentations. Ces raisonnements n’avaient rien de solide ; mais les promesses firent ce que n’avait pu faire la persuasion. Les prélats, gagnés par la cour, entraînèrent les autres ; et la noblesse ne fut pas assez forte pour résister.

Elle ne se relâcha pas néanmoins entièrement de ses demandes, voyant que la cour ne voulait pas consentir à ce qu’il y eut des députés des trois ordres dans le conseil du roi, lorsqu’on y délibérerait sur les réponses à faire aux cahiers ; elle proposa du moins qu’il y eût six des plus anciens conseillers d’État qui fussent appelés avec le prince et les officiers de la couronne, pour donner des avis à Sa Majesté sur les réponses qu’elle devait faire. L’archevêque d’Aix fut chargé de la proposition.

Mais sa harangue déplut à la reine, qui voulut être la maîtresse absolue de faire accorder au roi ce qui lui plairait.

On se moqua des instances réitérées des trois ordres. On traita leur prétention de nouveauté dangereuse et préjudiciable à l’autorité du roi ; et voyant qu’on ne pouvait les désunir qu’en prenant un ton décisif, voici comme on fit répondre le roi à la dernière remontrance des députés : « Je souhaite, dit le jeune monarque, de donner toute sorte de satisfaction aux États ; mais je ne puis prendre aucune mesure que sur les cahiers que vous me présenterez. Je veux les recevoir la semaine prochaine au plus tard. S’il