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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

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qui avait intérêt que les choses se passassent ainsi, bien loin de les amener au point qui lui convenait, donna lui-même un délai qui favorisa les vues de la régente.

La résistance inutile du duc de Vendôme en Bretagne, et les mouvements mal concertés du prince de Condé en Poitou, fournirent à la régente un prétexte plausible de mener le roi, son fils, dans ces deux provinces, et de remettre l’ouverture des États jusqu’à leur retour à Paris.

Durant ce temps-là, le roi devint majeur. Il vint, le 2 octobre, déclarer sa majorité dans un lit de justice tenu au Parlement. La reine dit qu’elle remettait l’administration des affaires entre les mains du roi, son fils. Le jeune monarque la remercia de ses soins, et déclara qu’il ne prétendait gouverner désormais que par les avis de sa mère : ce que Médicis avait eu soin de ménager adroitement pour conserver toujours son autorité. Alors elle fit transférer les États à Paris, et l’assemblée fut indiquée au 10 octobre.

Le 13, le roi fit publier à son de trompe que les députés déjà arrivés eussent à se réunir : le clergé aux Augustins, la noblesse aux Cordeliers, et te tiers état à l’hôtel de ville. Mais, sur les supplications de la noblesse et du tiers état, les trois ordres furent assemblés aux Augustins, pour qu’ils pussent conférer plus aisément ensemble.

Le clergé avait cent quarante députés, parmi lesquels cinq cardinaux, sept archevêques et quarante-sept évêques. La noblesse eut cent cinquante-deux députés. Il y eut cent quatre vingt-un, tant officiers de justice que de finances, pour le tiers état, que présidait M. Miron, prévôt des marchands.

On régla qu’après trois jours de jeûne public, indiqués pour implorer l’assistance de Dieu, il y aurait, le dimanche 20 octobre, une procession solennelle à Notre-Dame, et que le lendemain se ferait l’ouverture de l’assemblée au Louvre, dans la salle de l’hôtel de Bourbon. Le roi, la reine, toute la cour assistèrent à cette procession. L’évêque de Paris officia pontificalement. L’archevêque de Bordeaux y prêcha.

Les députés s’étant rendus le lundi, et tous ayant pris leurs places, le roi dit en peu de mots que son but principal, en convoquant les États généraux du royaume, était d’écouter les plaintes de ses sujets, et de pourvoir à leurs griefs. Le chancelier parla ensuite sur la situation des affaires ; après quoi, s’étant avancé vers le roi, comme pour recevoir ses ordres, il revint à sa place, et dit à tous les députés que Sa Majesté leur permettait de dresser les cahiers de leurs plaintes, et qu’elle promettait d’y répondre favorablement. Cette séance fut terminée par les harangues des trois ordres.

Le tiers état est toujours celui contre lequel la cour est le plus en garde. Formé ordinairement des députés des provinces, qui ne briguent ni la faveur ni les grâces de la cour, il prend plus vivement les intérêts du peuple, dont il connaît mieux les griefs et les sujets de plainte. Le clergé et la noblesse, au contraire, ne portant que la moindre partie des charges publiques, sont aussi moins sensibles aux abus qu’il s’agit de réformer, outre que les gratifications de la cour tiennent les principaux de ces deux ordres dans une entière dépendance Ainsi la reine et ses ministres ne songeaient qu’à rompre les mesures du tiers état, par rapport à la réformation du gouvernement.

Comme il aurait été dangereux de rejeter hautement ses demandes, on jugea qu’il n’y avait pas de meilleur expédient que de mettre la division entre les trois chambres, et de rendre l’assemblée la plus tumultueuse qu’il se pourrait.

Pour cet effet, on engagea le clergé et la noblesse à proposer des articles de réformation, auxquels le tiers état aurait peine à consentir ; et comme on ne doutait pas que le tiers état n’en proposât aussi de son côté qui n’accommoderaient ni le clergé ni la noblesse, on espéra que ces contestations porteraient l’assemblée à se séparer, ou qu’il serait aisé de la congédier, en amusant le peuple par des promesses vagues. La chose arriva, en effet, comme la cour l’avait projeté.

On s’assembla le 4 novembre ; et la première chose que proposa la noblesse fut l’abolition de la paulette. (C’est une finance que les officiers payent tous les ans pour rendre leurs charges héréditaires.)

Rien n’embarrassa plus le tiers état, composé de ces sortes d’officiers et de magistrats. Il demanda à son tour la diminution des tailles et le retranchement des pensions que la cour payait à une infinité de personnes.

Ni les uns ni les autres ne s’accommodaient de ces propositions : ils en demandèrent la surséance ; et la cour, les payant de belles paroles, dit qu’elle souhaitait que les chambres dressassent au plus tôt le cahier général de leurs plaintes, sans que les positions extraordinaires que l’on pourrait faire à la traverse les détournassent de cet objet principal. Ces différents intérêts ne manquèrent pas de produire les divisions que la cour en attendait, et l’on n’oublia rien pour les faire croître.

Le clergé eut quelque complaisance pour la noblesse, espérant que les gentilshommes en auraient à leur tour pour le clergé, qui voulait obtenir la publication du concile de Trente en France. Le tiers état s’y opposa formellement.

D’autres contestations survinrent entre les facultés de l’Université de Paris.

Ce corps prétendait avoir séance dans le clergé. Le clergé s’y opposa. Le conseil ordonna que