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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

L’instance qu’on faisait au roi de recevoir le concile de Trente le choquait et l’embarrassait. La demande des États, que leurs cahiers fussent résolutifs, lui parut encore plus rude. Mais il ne put supporter la députation qu’ils lui firent, pour l’obliger à déclarer expressément le roi de Navarre incapable de succéder à la couronne.

Accablé d’inquiétude, dégoûté même du gouvernement, qu’il voulait abandonner entièrement à la reine mère, tantôt plein de confiance, tantôt rempli d’indignation contre le duc de Guise, dont il voulait se défaire, il prit le parti de le faire assassiner. En effet, le duc périt. Mayenne en reçoit la nouvelle, et s’enfuit en Bourgogne. Les Seize s’assurent des portes de Paris, s’assemblent à l’hôtel de ville, élisent le duc d’Aumale pour leur gouverneur, et déclarent hautement leur rébellion. Quelques magistrats sont plongés dans la Bastille ; d’autres, pour en sortir, trahissent leur serment, et la Ligue fait signer au Parlement un acte pour la conservation de la religion catholique. Le roi ordonne à d’Aumale de sortir de Paris, transfère le Parlement à Tours, et continue les États à Blois, persuadé qu’ils devaient apporter un prompt remède à tant de maux.

Il leur fit jurer une seconde fois l’édit d’union, pour montrer qu’il était zélé catholique ; après quoi il reçut leurs cahiers, qu’il examina durant quelques jours. Il entendit ensuite leurs harangues, pleines de sages expédients, de puissantes raisons et d’avis salutaires. Mais les cœurs étaient bien éloignés ; tellement que ce ne fut qu’une scène où chacun sut se masquer et jouer un personnage différent de ce qu’il était intérieurement.

Le roi recevait de tous côtés des avis de nouvelles émotions. Il vit que la plupart des députés se retiraient sans rien dire ; il les congédia tous ; et afin qu’ils remportassent des marques de sa bonté dans les provinces, il donna à la noblesse la liberté de Brissac et de Bois-Dauphin, au tiers état, celle de trois ou quatre députés qu’il avait fait arrêter. Mais tous oublièrent le bienfait pour ne se souvenir que de l’injure.

De plus, il leur accorda et fit publier quelques articles de leurs cahiers, entre autres un rabais de la quatrième partie des tailles : aussi bien y en avait-il plus d’un tiers en non-valeur.

ÉTATS GÉNÉRAUX DE 1614, TENUS À PARIS SOUS LOUIS XIII.

La régence de Médicis avait fait beaucoup de mécontents. Le prince de Condé en était le chef, et le maréchal de Bouillon avait engagé plusieurs autres princes à quitter la cour, et à se réunir tous en Champagne, pour demander la réformation des abus qui s’étaient glissés dans le royaume.

Ces factions alarmèrent la régente ; elle craignit de voir renaître les malheurs dont la France avait été troublée sous les règnes précédents.

Elle assembla promptement le conseil, qui fut d’avis que Sa Majesté écrivît une lettre à tous les parlements du royaume, aux gouverneurs des provinces et des places, au prévôt des marchands, aux maires et échevins des villes, pour les exhorter à demeurer fidèles au roi, et à ne pas se laisser surprendre par le prince de Condé et ses partisans ; déclarant que Sa Majesté avait résolu de convoquer les États du royaume, pour y prendre des résolutions convenables au bien public.

D’un autre côté, la régente n’oubliait rien pour tâcher de regagner le prince de Condé, qui, après avoir rassemblé les principaux de son parti, lui écrivit une lettre en forme de manifeste.

Il s’y plaignait de la dissipation des finances, du choix des personnes indignes qui étaient revêtues des premiers emplois, de la trop grande autorité des ministres, du peu d’égards qu’on avait pour les princes, pour les pairs du royaume et pour les officiers de la couronne, des obstacles que les parlements trouvaient dans l’exercice de leur juridiction, de la ruine de la noblesse, du prix excessif des charges de judicature, de l’oppression du peuple, de la négligence d’assembler les États généraux, de la précipitation avec laquelle on avait conclu le mariage du roi, même avant sa majorité, etc. Il y demandait l’assemblée des États généraux dans trois mois au plus tard, la suspension du mariage du roi et des princesses ses sœurs, jusqu’à la fin des États, et de mettre auprès de Sa Majesté des personnes de probité reconnue.

Marie fit une ample réponse au prince de Condé, aussi en forme de manifeste, et lui promit d’assembler au plus tôt les États généraux, pour travailler à la réformation des abus dont il se plaignait.

Cependant les factions continuaient encore ; et ce fut pour y mettre fin, que, d’après le conseil du chancelier, on fit, le 14 mai, un traité par lequel on accorda une partie de leurs prétentions aux principaux chefs, qui revinrent anssitôt à la cour.

Tout paraissait tranquille. Au mois de juin, on avait expédié des lettres patentes pour la convocation des États généraux, indiqués au 10 septembre dans la ville de Sens ; elles furent envoyées et publiées par tous les gouvernements, bailliages et sénéchaussées du royaume.

Cela n’accommodait pas la régente, qui craignait que les États ne la chagrinassent sur son administration ; qu’ils ne demandassent l’éloignement des ministres, surtout du maréchal d’Ancre, et qu’ils n’empêchassent le roi, devenu majeur pendant que l’assemblée serait encore sur pied, de laisser à sa mère la même autorité qu’elle avait eue pendant sa minorité. Le prince de Condé,