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d’augmenter le pouvoir des Guise. Il voulut que les États envoyassent vers les deux princes et vers Damville pour les inviter à se rendre à l’assemblée.

Cependant, pour n’avoir point à s’imputer à lui seul la guerre qui allait commencer, il désira prendre par écrit l’avis des plus grands seigneurs, de ses principaux conseillers. Ils conclurent tous qu’elle était juste et nécessaire, non pas qu’ils crussent ainsi, mais parce qu’ils pensaient que c’était son désir de la faire, ou du moins d’en feindre l’envie, afin de tirer de l’argent des États.

Il demandait deux millions pour les frais de cette guerre ; et les favoris firent jouer tous les ressorts imaginables pour faire réussir cette demande. Le tiers état, qui savait bien devoir payer pour tous, ne voulut jamais y consentir, non plus qu’à l’aliénation du domaine. Bodin, sur cette question, remontra avec énergie que le fonds du domaine appartenait aux provinces, et que le roi n’en était que l’usufruitier. Il persuada tellement l’assemblée, que l’on répondit à Bellièvre, que le roi y avait député pour cela, que le droit commun et les lois fondamentales du royaume rendaient la chose absolument impossible.

C’est dans cet état de choses qui se tint la seconde séance, le 17 janvier. Les orateurs du clergé et de la noblesse commencèrent leurs discours à genoux, leurs députés étant debout et découverts : mais, au bout de quelques phrases, les orateurs se levèrent et leurs députés s’assirent et se couvrirent. L’orateur du tiers état avait été traité de même aux états d’Orléans ; mais cette fois, on le laissa près d’une demi-heure à genoux et ses députés toujours debout et nu-tête.

On avait chargé ce dernier de supplier le roi de réunir tous ses sujets dans la religion catholique sans aucun moyen violent ; de demander absolument l’élection des bénéfices, sans en rien remettre à la volonté du roi ; de toucher fortement la mauvaise administration des finances ; d’insister sur la punition de ceux qui les avaient pillées, ainsi que sur l’expulsion des étrangers hors du gouvernement, et sur la dispensation des deniers publics.

Après cette séance, après que les députés eurent travaillé quelque temps à leurs cahiers, les ligueurs firent conclure que le roi serait supplié de défendre tout autre exercice que celui de la religion catholique. Cet avis passa à la pluralité des gouvernements, non pas des voix des députés : encore ne passa-t-il que deux suffrages ; et, bientôt après, ceux de Paris, craignant que les premiers deniers ne se levassent sur leurs rentes de l’hôtel de ville, voulurent se rétracter

Les huguenots, avant eu avis de ce qui se passait, dressèrent une contre-ligue, dont le prince de Condé se déclara lieutenant sous l’autorité du roi de Navarre, et publièrent le plus hardi, le plus sanglant des manifestes. L’édit de pacification fut révoqué.

ÉTATS GÉNÉRAUX DE 1588, TENUS À BLOlS.

La guerre de la Ligue continuait avec la même chaleur Le duc de Guise, à la sollicitation des Seize, était venu à Paris. La reine mère ne cessait de traiter avec lui. Soit frayeur, soit prudence, Henri III s’était enfui à Chartres, où le Parlement envoya ses députés pour le supplier de revenir. Le roi fit, quelques jours après, savoir au Parlement qu’il avait résolu d’assembler les États généraux, pour travailler soigneusement à la réformation des abus de son royaume, et lui assurer un successeur catholique.

L’ouverture des États se fit le 10 octobre. Le clergé avait cent quatre-vingts députés, parmi lesquels quatre archevêques, vingt et un évêques et deux chefs d’ordre ; la noblesse en avait cent trente-quatre ; le tiers états quatre-vingt-onze, partie gens de robe, partie gens de commerce.

Le roi était déjà instruit, par le teneur des cahiers, qu’il y avait un complot formé pour abattre son autorité et pour relever celle des États au point où elle était autrefois ; aussi donna-t-il assez à connaître, dans son discours, le ressentiment qu’il en avait contre le duc de Guise. Mais ce prince s’en plaignit si amèrement par la bouche de l’archevêque de Lyon, qu’il fut obligé, en faisant imprimer sa harangue, d’en retrancher beaucoup de choses qui n’en demeurèrent que plus avant gravées dans son cœur.

Le mardi suivant, dans la seconde séance, le roi jura l’édit de réunion, ordonna qu’il fût observé comme loi fondamentale de l’État, et voulut que les trois ordres le jurassent d’une voix unanime. Cela fait, il protesta d’oublier le passé, et chargea le prévôt des marchands d’en assurer la ville de Paris.

Le roi, ulcéré de ce qu’on l’avait forcé de jurer cet édit, était bien plus offensé des plaintes que les États faisaient contre le gouvernement : ils demandaient, en effet, la suppression des nouveaux offices, le rabais des tailles et des impôts, la recherche des finances et des favoris, leur punition, celle des traitants ; ils employaient tous les moyens pour borner la domination absolue et pour rétablir la puissance des lois : ce qui ne provenait pas seulement des factions de la Ligue, mais encore du désir unanime des peuples, qui, dans le cas où le roi viendrait à mourir, croyaient nécessaire de mettre à son successeur un frein si puissant, qu’il ne pût jamais le briser ni faire souffrir à la France des oppressions pareilles à celles qu’elles avaient ressenties depuis le règne de Louis XII. Mais les mœurs trop corrompues des Français ne s’accordaient pas avec leurs désirs ; ils souhaitaient en vain ce qu’ils ne méritaient pas