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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

des autels, les députés du clergé s’obligèrent d’éteindre chaque année un capital de 1 600 000 livres, ce qui ne retarderait la libération totale des domaines du roi que de quelques années ; mais aux conditions qu’ils en feraient la perception, la répartition et l’emploi, et qu’aucun bénéficier, même les chevaliers de Malte, n’en serait exempt.

L’offre du clergé fut acceptée, et le contrat rédigé le 21 octobre.

Catherine éprouva moins de docilité de la part des deux autres ordres. Ses émissaires leur représentaient combien il était intéressant pour les partisans de la réforme de ne pas aliéner par un refus l’esprit de la reine, qui penchait entièrement de leur côté, promettait d’abroger l’édit de juillet, et d’accorder le libre exercice de la nouvelle religion.

Ces motifs portèrent la noblesse et le tiers état à consentir à l’établissement d’un nouveau droit sur les boissons, dont le produit annuel fût évalué à 1 200 000 livres, et qui, par sa nature, retombait encore sur le clergé.

ÉTATS GÉNÉRAUX DE 1576, TENUS À BLOIS, SOUS HENRI III.

Ce sont les huguenots qui avaient instamment demandé ces États généraux. Ils croyaient qu’ils y seraient les plus forts comme ils l’avaient été à ceux d’Orléans. Ils comptaient qu’outre les députés de leur religion et de leur faction, ils y auraient encore ceux que la faveur du duc d’Anjou et les ennemis du gouvernement présent y pourraient introduire. Ils ignoraient qu’on avait détaché d’eux le duc d’Anjou, et ils ne considéraient point qu’ils n’avaient plus leur amiral de Coligny, ce puissant génie qui faisait mouvoir, au besoin, des ressorts inconnus et merveilleux, ni cet esprit d’union, sans lequel les grands projets ne peuvent réussir.

Aussi ne fut-il pas difficile à la reine et aux Guise, en semant dans les provinces l’argent que les maltôtiers italiens fournirent volontiers, parce qu’ils craignaient la recherche de leurs déprédations dans les États, de faire élire des députés à leur choix, et dresser les cahiers suivant les mémoires secrets qu’ils envoyèrent dans les provinces : tellement qu’on disait tout haut qu’il ne fallait plus garder la foi aux huguenots, mais rompre l’édit qu’ils avaient extorqué.

À la mi-novembre, la plupart des députés se trouvèrent à Blois. Ils élurent leurs présidents. Ils employèrent le reste du mois à communiquer leurs séances, à s’entre-communiquer en substance le contenu de leurs cahiers ; après quoi les gouvernements furent appelés selon leur rang.

La première séance se tint le 6 décembre dans la grande salle du château.

Le roi exposa dans son discours les malheurs de l’État, ses profondes blessures, et le besoin qu’il avait d’en être guéri. Il leur protesta que le rétablissement de l’ordre était l’objet de ses désirs, et les exhorta à se réunir à lui pour consommer cet ouvrage. Il leur assura, parole de roi, qu’il ferait inviolablement observer tous les règlements qui seraient faits en cette assemblée, et qu’il ne dispenserait personne de leur exacte observance.

Le discours du chancelier fut trouvé ennuyeux et ridicule. Après s’être excusé sur sa vieillesse et sur l’ignorance où il était du gouvernement français, comme étranger, il discourut longuement sur la puissance du roi, fatigua tout le monde des louanges de la reine mère, et conclut par demander de l’argent ; mais on n’y était guère disposé.

Les sentiments des États ne s’accommodèrent ni aux intentions du roi, ni aux espérances des huguenots. Dans ces assemblées, il y en a toujours quelques-uns qui rappellent aux autres les droits anciens et naturels du peuple, contre lesquels ils ne peuvent croire qu’il y ait prescription. Ceux-là obligèrent le président du clergé à demander au roi la ratification de tous les points résolus par les trois ordres ; le roi s’imagina que cela se faisait par l’impulsion des auteurs de la Ligue, qui désiraient donner une partie de son autorité aux États, afin de la reprendre de leurs mains.

Le roi voyant que les États s’échauffaient beaucoup sur le fait de la religion, qu’ils étaient près de lui demander un chef pour la Ligue, et même de lui en nommer un, qui, sans doute, eût été le duc de Guise, il le voulut être lui-même, la signa de ses propres mains, la fit signer à tous les grands, l’envoya dans Paris et dans les provinces, avec ordre à toutes personnes d’en faire autant. Voilà comme de roi, il devint chef de cabale, et de père commun, l’ennemi de ses sujets.

Les plus véhéments pressaient fort la révocation de l’édit, et demandaient la guerre. Les évêques, d’accord avec les premiers, demandaient la publication du concile de Trente. On s’opposa à ce dernier point : d’autres protestèrent de nullité, si l’on révoquait l’édit de pacification.

Peu après, les États ayant supplié le roi de ne souffrir d’autre religion que la catholique, il répondit clairement que c’était son intention ; qu’ils voulait que ses sujets fussent avertis de n’ajouter aucune foi à ce qu’il pourrait dire ou faire au contraire, et que, s’il était réduit à ce point là, il ne tiendrait son serment que jusqu’à ce qu’il eût les forces et l’occasion de le rompre. Les députés des huguenots, étonnés de ces paroles et de la résolution des États, protestèrent contre. La plupart même se retirèrent de Blois, et allèrent porter l’alarme dans la Rochelle et dans le Languedoc.

Le roi craignait cependant de perdre son repos et