Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome I (2e éd).djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

p. 65

elle et le roi de Navarre : et d’ailleurs qu’avait-elle à craindre ? Elle ne se conduisit plus que par les conseils des Châtillon et des Coligny, ces chefs eux-mêmes de la religion réformée, qui, dans les États d’Orléans, avaient si fort influé sur l’opposition des députés à la formation du conseil, mais qui, depuis, favorisés par la reine, en secondaient tous les desseins ambitieux.

Les délibérations des deux ordres roulèrent sur trois objets principaux : la formation du conseil, la pacification des troubles de religion, et la liquidation des dettes.

Sur le premier article, ils ratifièrent le dernier accord passé entre la reine mère et le roi de Navarre, sauf toutefois le droit des princes et des États généraux, si le cas se représentait.

Ils éloignèrent du conseil les cardinaux, les évêques et princes étrangers.

Ils statuèrent que lorsqu’un roi serait notoirement incapable de régner par lui-même, le plus proche prince du sang serait tenu de convoquer les États généraux, sous trois mois, à peine d’être réputé traître au roi et à la nation ; et qu’à l’expiration des trois mois sans convocation, chaque bailliage ou sénéchaussée procéderait au choix des députés qui s’assembleraient le 15 du quatrième mois, à Paris, pour composer un conseil de régence et régler l’administration du royaume.

Ils demandèrent aussi que les États fussent convoqués pour régler l’apanage des fils de France.

Ils interdirent à la reine mère et au conseil d’administration le droit de rompre les derniers traités de paix, et d’engager la nation dans aucune guerre, si les États généraux n’en avaient approuvé les motifs.

Le tiers état demanda simplement que les États fussent assemblés tous les deux ans, et que ce fût une règle fixe et invariable.

Sur les faits de la religion, on conclut à une entière tolérance.

Quant aux dettes de l’État, les députés exigèrent des comptes plus détaillés et plus authentiques que ceux présentés aux États d’Orléans.

Persuadés que la plus grande partie des sommes levées sur le peuple, sous François Ier, ou n’était pas même entrée dans les coffres du roi, ou avait été distraite du service public, ils demandèrent l’établissement d’une commission pour l’examen des comptes.

Après avoir diminué la dette par la rentrée des sommes répétées sur les anciens administrateurs, et par la réduction de toutes les dépenses inutiles, la noblesse proposa de partager le résidu en trois parts.

Les deux premières, comprenant les rentes constituées sur l’hôtel de ville et les emprunts sur la basque, seraient acquittés par le clergé, qui vendrait une partie proportionnelle de tout bénéfice excédant 400 livres.

La troisième portion devait être acquittée par le peuple, en répartissant une partie sur les financiers et officiers inférieurs de justice ; la seconde, sur les bourgeois des villes closes ; la troisième, sur les gros bourgs et les menus propriétaires, en leur permettant d’imposer les ecclésiastiques non nobles à raison de leurs biens patrimoniaux.

À dater du jour de cette répartition, les tailles et autres impôts devaient être ramenés au terme où ils étaient sous Louis XII.

Le tiers état proposa d’acquitter une partie de la dette, en appliquant à son remboursement les répétitions faites sur les anciens ministres des finances, et les dons extorqués par d’insatiables favoris à un monarque facile et inappliqué.

Pour acquitter le reste, il présentait deux plans. Le premier consistait :

1o À saisir au profit du roi les revenus de tous les bénéfices dont les titulaires ne résideraient pas sur le lieu ;

2o À déclarer le roi héritier de tous les évêques, abbés, prieurs et simples religieux ;

3o À lever sur tous les bénéfices au-dessous de 500 livres trois décimes ; sur ceux qui excéderaient cette somme, un quart ; sur ceux de 1 000 livres, un tiers ; au-dessus de 3 000 livres, la moitié ; au-dessus de 6 000 livres, les deux tiers.

À l’égard des archevêques, évêques et cardinaux, on leur donnerait, aux premiers un revenu de 6 000 livres, aux seconds de 8 000, et aux troisièmes de 12 000, en appliquant le surplus aux besoins de l’État.

Quant aux autres maisons religieuses, on pensait que le roi pouvait s’emparer de leurs épargnes et de leurs biens, en leur laissant une somme nécessaire pour leur modique entretien.

Le second plan consistait à ne laisser pour toute propriété foncière, aux ecclésiastiques, qu’une maison dans le parvis de leur église. On proposait de mettre à l’encan tous les autres revenus temporels.

Le clergé comprit bien que les deux autres ordres travaillaient à se décharger sur lui du fardeau de la dette publique, et le devina d’autant plus aisément, que deux mois auparavant on avait demandé aux évêques et aux chapitres une déclaration de tous leurs biens, sous prétexte de remédier aux injustices qui se commettaient dans la distribution des décimes.

À la différence des deux autres ordres, le clergé ne refusait point de se charger du tiers de la dette publique, pourvu qu’on lui accordât le temps nécessaire pour l’acquitter par ses économies, et qu’on n’exigeât pas son consentement à l’aliénation de biens dont il n’était que le dépositaire.

D’après les recherches les plus exactes pour s’assurer de la valeur réelle des biens de chaque diocèse, et de ce qui devait en être prélevé pour assurer une modique subsistance aux ministres