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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

dans lequel on comptait beaucoup d’ecclésiastiques et de personnes qui, sous le dernier règne, avaient encouru l’indignation publique.

Altercation et partage que cette prétention excite.

Ce règlement fut approuvé par le clergé. Il n’excita que des murmures parmi la noblesse, où il se forma deux partis.

Les uns soutenaient que de tous temps la régence avait appartenu aux mères ; que le roi de Navarre ne se plaignant de rien, c’était le cas d’adopter une décision qui conciliait tous les intérêts, et que l’on pouvait relever tous les abus d’autorité commis sous le dernier règne, sans attaquer directement ceux qui formaient le conseil.

Schisme et protestation d’une partie de la noblesse.

Les autres se plaignaient que le conseil de la régence eût été établi sur l’avis des États, qui l’avaient déférée à Philippe de Valois, en 1327 ; au duc d’Anjou, pendant la minorité de Charles VI, et qui, sous celle de Charles VII, coopérèrent, avec les princes du sang, à la formation du conseil d’État.

Ils se plaignaient de voir admettre au conseil des ecclésiastiques, lorsqu’on blâmait leur relâchement, et qu’on leur enjoignait la résidence.

Ils s’indignaient de voir à la tête des affaires des hommes que la voix publique accusait d’être la première cause de tous les troubles.

Ils se déterminèrent enfin à déclarer le règlement attentatoire aux droits de la nation, et présentèrent une requête au roi pour le supplier de suspendre les délibérations des États actuellement assemblés, ou de les congédier, pour en convoquer de nouveaux, afin que les députés pussent se procurer de nouvelles instructions.

Le roi de Navarre n’ignorait point la part qu’il avait dans la démarche des députés. Il était chargé de porter la requête au roi ; il la porta, mais ne l’appuya point. Il avait eu la faiblesse de signer une renonciation formelle à toute prétention à la régence.

La requête fut rejetée ; mais la noblesse dissidente en présenta une seconde, et notifia à tous les autres députés généralement son opposition à toute délibération ultérieure, en les menaçant de les dénoncer à la nation comme violateurs de ses droits.

Elle se rendit ensuite en corps chez la reine mère, qui lui répondit qu’en qualité de députés, ils étaient chargés des plaintes de leurs bailliages, et qu’après qu’ils auraient présenté leurs cahiers de doléances, on ne leur refusait pas, s’il en était besoin, d’assembler de nouveaux États.

En délibérant sur cette réponse, ils convinrent de présenter leur cahier informe, et tel qu’il avait été arrêté dans les États provinciaux, pour être offert à François II.

Nouvelles dissensions dans la noblesse, sur le traitement qu’on devait faire aux réformés.

On passa à la discussion dans la noblesse ; il s’y forma quatre partis.

L’un demandait la conservation de l’ancien culte dans son intégrité, et l’exécution des ordonnances contre les sectaires.

L’autre consentait bien à ce qu’on usât rigoureusement envers les novateurs, mais qu’on ôtât la peine de mort.

Celui-ci demandait une tolérance entière et l’abolition de toutes les procédures commencées contre eux.

Celui-là, en accordant l’oubli du passé, voulait qu’on y ajoutât un état civil des temples, ou au moins le droit à tout gentilhomme d’en élever dans son fief.

Dans ce conflit d’opinions, le chancelier crut n’avoir d’autre parti à prendre que de faire ordonner la prompte confection de tous les cahiers, et que, s’il y avait partage dans le même ordre, chaque député signât le cahier qu’il avait adopté.

Présentation des cahiers.

Les cahiers furent présentés au roi le 1er janvier. Aucun des orateurs des trois ordres ne se montra digne de l’honneur qui lui avait été déféré. Celui du clergé se déchaîna vivement contre la noblesse, et s’emporta jusqu’à désigner l’amiral de Coligny, qui en demanda une réparation authentique. L’orateur fut obligé de se rétracter dans son discours de clôture.

Cahier du clergé.

Le clergé ne dissimulait point le relâchement de la discipline, fondé en partie sur la longue intermission des conciles, sur le mauvais choix des pasteurs. Il insista sur le rétablissement des élections qui, en laissant au roi la liberté du choix, laisserait au peuple la faculté de n’élire que des personnages éclairés et intègres.

Il se plaignait des entreprises de la justice civile sur la juridiction ecclésiastique.

Il demandait l’abolition de la vénalité des charges, la réduction des offices, la suppression des lettres d’évocation et des commissions extraordinaires.

Il sollicitait un établissement de petites écoles dans les bourgs et villages.

Il porta ensuite ses regards sur la formation du conseil, et la libération des dettes de l’État.

Sur le premier objet, il engagea la reine mère à suivre les avis du roi de Navarre et des autres princes qu’elle avait appelés près d’elle.

Sur le second article, il représenta que le peuple ne pouvait payer aucun secours extraordinaire, et que les moyens de subvenir aux besoins de l’État consistaient dans la réduction des pen-