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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

p. 59

Les articles concernant l’impôt furent rédigés dans la forme suivante :

Pour subvenir aux frais de l’administration, et assurer la tranquillité du royaume, les gens des trois états accordent au roi, leur souverain seigneur, par manière de don et octroi, et non autrement, et sans qu’on puisse l’appeler taille, mais don et octroi, telle et semblable somme qui, du temps de Charles VII, était levée sur le royaume, et ce pour deux ans tant seulement, et non plus, à condition que cette somme sera répartie également sur toutes les provinces qui composent la monarchie.

Outre cette première somme, les États accordent au roi 300 000 livres une fois payée, et sans tirer à conséquence, par manière de don et octroi, pour subvenir aux frais de son sacre.

Les États demandaient en outre à faire eux-mêmes la répartition de ces deux sommes, et suppliaient le roi d’assembler les États dans deux ans, « car ils n’entendent pas, disaient-ils, que dorénavant on impose aucune somme de deniers sur le peuple, sans convoquer les États et avoir obtenu leur consentement, conformément aux libertés et priviléges du royaume. »

La réponse du roi fut que les États eussent à faire le choix de leurs députés pour assister aux délibérations du conseil, touchant les matières contenues dans les cahiers.

On forma trois bureaux ; le premier pour la répartition de l’impôt. Chaque nation pouvait y envoyer quatre députés, et même plus.

Le second, pour les matières ecclésiastiques. Tous les évêques pouvaient y venir. Le roi devait y joindre quelques magistrats.

Le troisième, pour les articles concernant la justice. Il devait être composé de huit conseillers, au choix du chancelier, et de deux députés de chaque nation.

Les articles touchant la noblesse et le commerce devaient être examinés ensuite.

L’affaire de l’Église fut agitée avec aigreur, et dégénéra presque en querelle personnelle. Le procureur général, qui avait eu ordre d’assister à cette conférence, y interposa son autorité, et menaça de traduire au Parlement quiconque s’opposerait au rétablissement de la pragmatique. Cette constitution précieuse ne fut point cependant rétablie.

Le cardinal de La Balue arrivait de Rome avec deux ou trois chapeaux de cardinal en faveur de ceux qui auraient témoigné le plus de zèle pour le saint-siége. La pragmatique trouva de zélés contradicteurs dans tous les jeunes prélats qui ambitionnaient cette dignité étrangère. Elle ne trouva de partisans que dans le tiers état, dans la noblesse, le second ordre du clergé.

On examina ensuite le chapitre concernant la justice et la police générale du royaume.

Le chancelier, sur chaque article, prenait l’avis de ses assesseurs. Dès que l’un d’eux formait quelque objection, le chancelier écrivait à la marge : Rejeté ou Renvoyé à un plus mûr examen. Si les députés voulaient y répondre, il les interrompait, en leur disant qu’ils avaient rempli leurs charges, que les États n’avaient à l’égard du roi que la voie de la représentation, et que désormais c’était au roi et à son conseil à juger de la légitimité de leurs demandes.

Un des députés perdit patience et se leva de son siége : « Que faisons-nous ? dit-il avec colère, Pourquoi nous a-t-on mandé ici, si l’on nous défend de parler ? Nous ne nous attendions pas que l’on traiterait avec cette légèreté les représentants de la nation. Nous sommes témoins que vous n’avez rejeté tel et tel article que parce que vous ne l’avez pas entendu. »

Cette fermeté en imposa au chancelier. Les députés parlèrent librement. On procéda avec plus de réserve à l’examen des édits.

Dans le bureau de l’impôt, il y eut des débats plus vifs. La Normandie obtint surtout une diminution considérable. Mais on lui enjoignit de continuer à montrer beaucoup de chagrin et d’emportement, pour dérober la connaissance de cette faveur particulière aux autres nations, qui se plaignirent moins fortement, parce que le fardeau de leurs impositions était proportionnellement moins onéreux.

Disputes sur la taxe des députés.

On agita ensuite sur qui devaient tomber les frais de l’assemblée qui durait depuis deux mois.

Le tiers état prétendait que chaque ordre devait payer les siens. Le clergé et la noblesse soutenaient qu’ils devaient tous retomber sur le tiers état.

La question fut portée devant le conseil. Un célèbre avocat de Troyes plaida la cause du peuple. Il prouva que les ecclésiastiques et les nobles étant venus solliciter la conservation de leurs droits et le rétablissement de leurs priviléges, il était naturel qu’ils y vinssent aux dépens de ceux qui les avaient envoyés ; que l’évêque de Poitiers lui-même, avant son départ, avait établi uue taxe sur les abbés, prieurs et curés de son diocèse, pour subvenir aux frais de la députation.

L’avocat de la noblesse démontra les services que cet ordre et celui du clergé avaient rendus au tiers état dans l’assemblée, en défendant sa cause. Il cita l’exemple du Languedoc et de la Normandie, qui, tous les ans, avaient des assemblées d’États. Jamais le tiers état n’y avait refusé d’acquitter la taxe entière de tous les députés.

Le chancelier donna gain de cause au clergé et à la noblesse, mais il les exhorta à ne point user de leur droit à la rigueur, et à consentir, pour cette fois seulement, sans tirer à consé-