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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

p. 57

Analyse des cahiers présentés au roi.

Le cahier des États a été partagé en cinq chapitres. Le premier, de l’état de l’Église ; le second, de la noblesse, le troisième, du tiers état ; le quatrième, de la justice ; et le cinquième, du commerce.

Cahier de l’Église.

Dans le premier, on suppliait le roi de ne point différer son sacre ;

De rétablir la pragmatique sanction, regardée comme le fondement des libertés de l’Église gallicane, et tendant à réprimer les abus de la cour de Rome ;

De respecter les franchises des peuples en ne faisant point saisir le temporel des églises sans de justes causes, et même, en ce cas, d’exempter de la saisie les oblations et les dîmes.

Cahier de la noblesse.

La noblesse suppliait le roi de ne convoquer le ban et l’arrière-ban que dans les occasions où l’État serait en péril ;

De faire cesser les obstacles qu’elle éprouve dans la jouissance de son droit de chasse ;

De n’accorder les places de gouverneurs, sénéchaux et baillis qu’aux gentilshommes les plus accrédités dans les provinces, et non à des étrangers qui ne tiennent à la France que par un intérêt pécuniaire.

Cahier du tiers état.

Ce troisième chapitre contenait le détail des causes qui ont amené l’épuisement des finances, celui des impositions, les concussions et les violences des employés.

On demandait la décharge entière du fardeau onéreux des tailles ; mais en privant le roi de cette partie de ses revenus, on le suppliait :

De réunir au domaine toutes les branches qui en avaient été séparées, à quelque prix que ce fût ;

De supprimer les offices inutiles, et de réduire les gages des autres ;

De retrancher, ou du moins de modérer les pensions qui ne doivent être prises que sur le domaine du roi, et qu’on accordait à des seigneurs qui devaient se contenter du revenu de leurs seigneuries.

On y observait aussi que les revenus du domaine devaient être employés à payer l’état de la maison du roi, de la reine, les gages des officiers civils et militaires ; et jusqu’à ce qu’on eût prouvé clairement le contraire, on était convaincu que le domaine de la couronne, auquel on a joint les gabelles, était plus que suffisant pour acquitter les charges nécessaires de l’État.

Chapitre de la justice.

Dans ce quatrième chapitre on demandait l’abolition de la vénalité des charges et des offices récemment créés ;

L’inamovibilité des officiers, à moins qu’ils ne soient coupables de forfaiture.

On examina quelques branches de l’administration, la forme du grand conseil, les expéditions du sceau, les fonctions des secrétaires du roi, les évocations et les appels en matière de procédure, les enquêtes, l’ordre et la subordination des tribunaux, l’abus des commissions extraordinaires, les fonctions des différents offices de justice, etc.

Chapitre du commerce.

Dans ce cinquième chapitre, on se plaignait des droits exorbitants établis sur certaines denrées depuis Charles VIII. On demandait l’abolition de ces droits ;

L’administration des foires, dont la multitude préjudicie au bien de l’État, en faisant sortir l’argent du royaume pour des ouvrages manufacturés chez l’étranger ;

Le reculement des barrières aux frontières du royaume ;

L’entretien plus exact des ponts et chaussées.

Les États ne s’étaient désisté qu’avec peine du choix de douze nouveaux conseillers qui devaient former le conseil ; mais ils furent extrêmement mortifiés de voir que le roi mandait seize députés pour discuter les principaux articles des cahiers. Ils avaient cru qu’on leur laisserait au moins sur ce dernier point le choix de leurs réprésentants.

On statua que les seize députés appelés au conseil, n’ayant point été autorisés par les États, ne pouvaient en aucune manière les représenter.

Alors le roi permit à l’assemblée d’y envoyer les députés à leur choix, outre les seize qu’il se réservait d’y appeler : elle répondit qu’elle n’y consentirait point.

Les seize, craignant de se rendre odieux à la nation s’ils continuaient d’assister au conseil, revinrent à l’assemblée.

Embarras du Conseil.

Le chancelier ne s’attendait point à cette conduite ferme et rigoureuse qui déconcerta ses projets. Réduit à traiter directement avec la totalité des États, il s’y rendit et exposa les propositions du roi.

Le roi demandait plus de troupes que les États n’en voulaient accorder.

Ceux-ci répondirent qu’ils ne se relâcheraient sur l’article de la milice que lorsqu’ils auraient connaissance de ce que coûtent la maison du roi, les gages des officiers, les pensions, et qu’ils auraient les rôles exacts du produit des domaines, aides et gabelles, sans y comprendre les tailles,

Le chancelier sentait combien il était dangereux de rendre les sujets arbitres de la dépense du souverain ; d’un autre côté, il voyait que les États étaient obstinés à n’accorder aucun subside si on refusait leur demande.