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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

néraux n’étant ni des synodes ni des conciles, mais des assemblées politiques, il n’y avait aucune raison d’y appeler les députés du clergé en plus grand nombre que ceux de la noblesse et du peuple ; que d’ailleurs l’opposition de quelques particuliers ne pouvait ni valider ni infirmer le vœu de la nation, et que ces prélats ne se montraient si opposés à la pragmatique, que parce que leur nomination avait été contraire à ses décrets.

Plaintes sur la gabelle.

Quelques provinces demandèrent la suppression des gabelles, et exposèrent les horribles vexations des enployés.

On ne prit sur cet objet aucun parti définitif.

Comme toutes les provinces s’accordaient à demander la suppression des tailles, et qu’on ne pouvait retrancher à la fois tous les impôts, on arrêta seulement que si l’on trouvait quelque autre moyen, moins onéreux pour le peuple, de procurer au roi le même revenu, on le supplierait d’abolir la gabelle, et que, si ce moyen était impraticable, on la laisserait subsiter, en réprimant toutefois la tyrannie des employés.

Requêtes présentées aux États.

Tandis qu’on travaillait à la réduction des impôts, plusieurs particuliers vinrent porter leurs plaintes aux États, et réclamer leur protection.

Les États répondirent qu’après avoir traité les affaires générales du royaume, ils auraient égard à celles des personnes qui auraient bien voulu leur confier leurs intérêts, et qu’ils feraient valoir auprès du roi la justice de leur cause.

Contestations sur la régence et sur rétablissement du conseil.

On délibéra ensuite sur la manière de régler le conseil et la forme de l’administration pendant la régence.

Les brigues de la cour se réveillèrent alors avec plus de chaleur qu’auparavant ; chaque jour arrivaient des messagers de la part des trois contendants ; les seigneurs, déjà admis dans le conseil, n’étaient pas moins inquiets que les princes ; tous faisaient agir leurs cabales.

La nation de Normandie ouvrit un avis qui tendait à mettre les princes du sang dans la nécessité de faire eux-mêmes la réforme désirée. On laissait la personne du roi entre les mains de ceux qui avaient dirigé son enfance. Le conseil devait être composé des princes du sang, de douze anciens conseillers, et de douze nouveaux tirés du corps des États et par eux nommés.

Cet avis, qui tendait à mettre l’autorité entre les mains du peuple, eut beaucoups de partisans.

Il n’y a point à balancer, s’écria-t-on ; pendant la minorité d’un roi, la nation se trouve dépositaire de l’autorité suprême. Il faut forcer, s’il en est besoin, les princes à se soumettre à ce règlement.

Dans un royaume héréditaire, disaient les autres, la nation n’a aucun droit à l’autorité, tant qu’il reste des héritiers légitimes. Après la mort du roi, ce pouvoir passe dans les mains de son fils, s’il est en état de l’exercer ; et en cas de minorité, en celles des princes du sang, ses tuteurs naturels, qui seuls ont le droit de former le conseil et de régler toutes les branches de l’administration, sans prendre l’avis du peuple, si ce n’est pour la répartition et la levée de l’impôt.

Au fort de la dispute s’éleva Philippe Pot, député de la noblesse de Bourgogne, qui combattit les dernières assertions, et prouva l’autorité des États généraux.

Son discours fit des impressions différentes sur l’assemblée. On délibéra.

Après un mur examen, la nation de Bourgogne adopta l’avis de celle de Normandie, et réserva aux princes la liberté de conserver douze des anciens conseillers d’État à leur choix, auxquels on associerait douze nouveaux députés pris en nombre égal dans les six nations.

Les nations de Paris, d’Aquitaine, de la Langue d’Oc et de la Langue d’Oil, persistèrent à remettre aux princes du sang le choix du conseil, et refusèrent de procéder à aucune élection.

Paris et le Languedoc ne pouvaient que perdre en adoptant le nouveau plan. Elles formaient presque tout l’ancien conseil, et elles ne voulaient pas être réduites à n’envoyer que deux députés.

L’Aquitaine avait déjà le conseil des protecteurs accrédités et puissants, auxquels elle ne voulait pas en substituer d’autres.

Le Languedoc, pays d’État et gouverné par ses magistrats, n’avait pour objet que la diminution des impôts, et s’efforçait, pour l’obtenir, de complaire aux princes et aux ministres.

Après bien des débats, on prit unanimement un arrêté par lequel le roi était supplié de présider lui-même son conseil.

« En l’absence du roi, on nommait le duc d’Orléans président du conseil ; en l’absence de celui-ci, le duc de Bourbon, et enfin le duc de Beaujeu.

« Les autres princes du sang avaient séance et voix délibérative au conseil, suivant l’ordre de leur naissance.

« Douze députés, choisis par les États, devaient être associés aux anciens conseillers, dont la nomination était au choix du roi. »

On avait affecté de ne point nommer dans cet arrêté madame de Beaujeu ; mais de la manière dont ces articles avaient été dressés, elle conservait toute son autorité. Le roi disposait de tout ; et comme elle disposait du roi, elle était toujours maîtresse de rompre les mesures du duc d’Orléans, s’il s’opposait à ses vues.