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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

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ÉTATS GÉNÉRAUX DE 1483, SOUS CHARLES VIII.
Guillaume de Rochefort, chancelier.

Louis XI venait de mourir. Charles VIII, son successeur, se trouvait en âge de gouverner ; mais, par son testament, le feu roi avait nommé régente sa fille Anne de France, dame de Beaujeu.

Il se présenta d’autres concurrents, qui crurent avoir des droits apparents à la régence : sa mère, Charlotte de Savoie, mais qui ne tarda point à mourir ; le duc d’Orléans, premier prince du sang, et le duc de Bourbon.

Madame de Beaujeu essaya, en les comblant d’honneurs et de biens, de les faire renoncer à leurs prétentions.

Mais les princes en pénétrèrent le motif, et s’attachèrent à décrier le gouvernement. Voyant que la jeune princesse triomphait de toutes leurs manœuvres, ils demandèrent les États généraux. Cette proposition fit frémir ceux qui étaient sincèrement attachés au jeune roi. On n’envisageait ces grandes assemblées que comme un contre-poids à l’autorité royale. On croyait qu’il était dangereux d’accoutumer le peuple à discuter avec son maître. D’ailleurs, dans quelle triste conjoncture entreprenait-on de remuer la nation ? Le peuple était accablé d’impôts et réduit au dernier désespoir, le clergé dépouillé de ses prérogatives, les grands persécutés et traînés dans les prisons, enfin tous les ordres de l’État abhorraient la mémoire de Louis XI. Qui pouvait assurer que la haine pour le père ne rejaillirait point sur le fils ?

Quelque danger qu’il y eût à convoquer les États, un refus formel eût été encore plus dangereux. Le peuple en aurait conclu qu’on n’avait nul dessein de le soulager, et il se serait porté aux dernières extrémités. Les princes pouvaient faire cause commune avec le peuple. Madame alors était perdue sans ressource ; l’État de son pupille périssait avec elle. Elle éluda quelque temps la proposition ; mais, voyant les princes fermes dans leurs desseins, de deux maux elle choisit le moindre.

Les États furent indiqués pour le 1er janvier, à Tours. Dès ce moment le calme se rétablit à la cour, et les princes fixèrent toute leur attention sur les assemblées provinciales, où l’on élisait les députés.

Madame de Beaujeu cherchait de son côté à gagner des suffrages. Les magistrats dépossédés sous le feu roi furent rétablis dans leurs fonctions. On combla même de grâces ceux que Louis XI avait persécutés avec le plus d’acharnement. On congédia beaucoup de troupes, tant étrangères que nationales. On revint contre les libéralités indiscrètes ; on donna des ordres pour réunir au domaine de la couronne toutes les terres qui en avaient été aliénées. On remit au peuple le quart des impositions de cette année-là.

Relation manuscrite de Masselin, tirée de la Bibliothèque du roi.

Le 15 janvier les États s’ouvrirent ; la harangue du chancelier remplit la première séance. Après avoir exposé toutes les opérations qui avaient précédé les États, il les engagea à traiter d’abord les matières qui concernent le bien général, ensuite celles qui regardent chaque province, et enfin les affaires des particuliers.

Élection des officiers. Ordre qu’on se propose de suivre dans les délibérations.

Le 17, les députés s’assemblèrent, sans admettre parmi eux aucun étranger. Nomination d’un président et de deux secrétaires. Partage des États en six nations.

Chaque nation eut une salle particulière pour travailler séparément. Ou se rassemblait ensuite dans une salle générale pour entendre la lecture des cahiers ; tout le mois de janvier fut employé à ces conférences.

Le 1er février, les six nations se communiquèrent leurs travaux respectifs.

Tentatives du duc d’Orléans pour gagner les députés.

Les princes, pour capter la faveur populaire, firent déclarer qu’ils consentaient à voir supprimer leurs pensions, pourvu que cet arrangement tournât au soulagement du peuple, et que les États eussent à faire main basse sur toutes celles accordées sous le dernier règne.

On les remercia de leur zèle ; et comme on ne pouvait se tromper sur le motif de ces sentiments, on ne leur en tint aucun compte.

Opposition des évêques à quelques règlements.

Le 2 février, il s’éleva une très-vive dispute entre les députés. En cherchant les causes de la misère publique et de la disette d’argent, le tiers état s’emporta contre les abus du gouvernement, et demanda le rétablissement de la pragmatique sanction.

Dispute sur la pragmatique sanction.

Quelques évêques s’opposèrent à son rétablissement. Le second ordre du clergé et le tiers état défendirent leur demande avec vigueur, et peut s’en fallut qu’on obligeât ces évêques discordants à sortir de l’assemblée.

Les prélats présentèrent au roi une requête dans laquelle ils établissaient qu’avant de rien changer à l’ordre observé jusqu’alors dans la discipline ecclésiastique, le roi devait préalablement convoquer le corps entier des évêques, ce qui ne s’était point fait dans cette assemblée des États, où il n’y en avait qu’un petit nombre.

La requête communiquée aux États excita l’indignation générale On répondit que les États gé-