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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

sitions. Le feu de la sédition s’était allumé, et le roi avait été obligé d’abolir généralement tous les subsides imposés en France depuis Philippe le Bel.

Cette condescendance ne rétablit point le calme. Les princes étaient eux-mêmes divisés, le partage des provinces et des trésors de l’État ne suffisant pas encore pour entretenir une solide union entre les princes : tout excitait leur jalousie.

Les États généraux furent assemblés à Paris. Loin que les ministres pussent obtenir le rétablissement des aides qu’on venait de supprimer, ils furent obligés d’en confirmer de nouveau l’abolition.

Le princes, et surtout le duc d’Anjou, n’osaient insister sur cet article, en représentant les besoins de l’État et l’épuisement du trésor royal. Ils ne pouvaient se dissimuler les justes reproches qu’on aurait eu à leur faire.

Les députés ne s’en tinrent pas à la révocation des subsides. Ils sentaient leur supériorité sur un ministère orageux et incertain. On vit alors ce qui était toujours arrivé dans les temps de trouble et de faiblesse. La nation se crut en devoir de réclamer l’ancienne forme de gouvernement, sans songer que le changement des circonstances et du système politique n’admettait plus la même administration. Ceux qui auraient pu opposer ces considérations aux demandes excessives des députés manquaient de crédit nécessaire pour les faire valoir : ceux qui disposaient de la principale autorité, insensibles aux intérêts du peuple et du souverain, ne considéraient que les leurs. Les États obtinrent tout ce qu’ils demandèrent.

Sur les plaintes des trois ordres, on dressa une déclaration par laquelle le roi renonçait généralement à tout ce qui avait été innové depuis le règne de Philippe IV, rétablissant la nation dans toutes ses franchises, libertés, priviléges et immunités, sans qu’à l’avenir les usages introduits, au contraire, pussent être tirés à conséquence, ni former un titre pour le monarque régnant ou ses successeurs. Les souverains se trouvaient par ce moyen réduits aux seuls revenus domaniaux, suffisants à la vérité pour leur entretien, si l’on avait été moins prodigue d’aliénations, mais qui ne répondaient plus aux autres charges de l’État, considérablement augmentées par la multitude des troupes soudoyées, par la diminution insensible et l’inutilité presque reconnue du service féodal, service momentané, qui ne s’accordait plus avec une guerre continuelle.

Cette réforme, arrêtée dans les États, exprimée en termes magnifiques dans l’édit publié en conséquence sous une vaine ostentation du bien public, produisit un mal réel. Ne pouvant avoir lieu, son inexécution devint pour le public un sujet de mécontentement que la douceur ou la sévérité ne purent jamais apaiser : source intarissable de division entre le prince et ses sujets.

ÉTATS GÉNÉRAUX DE 1468, SOUS LOUIS XI.

Il s’était formé, dès le commencement du règne de Louis XI, une ligue à la tête de laquelle se trouvait Monsieur, frère du roi, le duc de Bretagne, le duc de Bourbon, presque tous les princes, grands et capitaines du feu roi.

Louis XI était résolu à rompre cette ligue à quelque prix que ce fût, en donnant à chacun ce qu’il demandait. Il était presque d’accord de tout, hormis de l’apanage de Monsieur, qui voulait avoir la Normandie.

Le roi ne pouvait consentir à démembrer cette belle province ; mais il fut obligé de la laisser à son frère, le duc de Bourbon s’en étant rendu maître et l’ayant donnée à Monsieur.

Le duc de Normandie, qui avait mis la Normandie entre les mains de Monsieur, travaillait à l’en retirer et à la remettre entre les mains du roi. Monsieur, dénué d’argent et d’amis, fut contraint de s’évader et de chercher un asile chez le duc de Bretagne. Il ne fut que deux mois duc de Normandie.

Le roi reçut bientôt avis que le duc d’Alençon, qui se mêlait dans tous les partis, était rentré dans celui de Monsieur et du duc de Bretagne ; et qu’au moyen des places qu’il leur avait abandonnées, ils occupaient presque toute la Basse-Normandie. Il fit marcher ses troupes dans le pays du Perche et du Maine, et se rendit lui-même au Mans. Il corrompit le frère du duc d’Alençon, qui lui livra le château d’Alençon, une des places la mieux fortifiée de ce temps-là. Les Bretons abandonnèrent la ville. Le roi, voyant Monsieur et le duc de Bretagne étonnés d’un coup si imprévu, employa le légat du Saint-Père pour leur faire entendre qu’il remettrait tous ces différends au jugement des États généraux. Il les convoqua à Tours, au 1er avril 1468.

Tous les députés se trouvèrent tellement dévoués aux intérêts du roi qu’ils se conformèrent à ses intentions. On y décida que la Normandie étant unie à la couronne, ne se pouvait démembrer pour la donner à son frère ; que ce jeune prince voudra bien se contenter de 12 000 livres de rentes en terres pour son apanage, et de 6 000 livres de pension annuelle, sans tirer à conséquence pour l’avenir pour les autres fils de France ; que le Breton rendrait les places de Normandie, et que s’il n’y déférait, on lui déclarerait la guerre, tous les sujets offrant dès ce moment leurs vies et leurs biens au roi.

Les princes conclurent leur accommodement avec le roi, et en passèrent par la résolution des États.