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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

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Pendant la captivité du roi Jean, en 1356, comme il n’y avait plus d’autorité dans le royaume et que le roi, avant son départ, n’avait établi aucun ordre, tout se trouva dans une horrible confusion.

Le dauphin Charles V ne prit d’abord que la qualité de lieutenant. Il crut que c’était aux États généraux à pourvoir au gouvernement du royaume et à la délivrance du roi.

Il les convoqua à Paris le 15 octobre 1356. Mais il arriva alors ce qui arrive toujours dans les grands désordres ; quand les peuples ont été maltraités durant la prospérité, ils croient que c’est le temps de rabaisser la domination, lorsqu’elle a reçu quelque échec.

Au lieu de subsides, le dauphin ne trouva que plaintes et qu’aigreur. Ils choisirent cinquante personnes pour entendre ses propositions, et ne voulurent rien délibérer en présence de ses commissaires. Ils demandaient la destitution du chancelier, du premier président, de six ou sept autres officiers qui avaient administré les finances, la délivrance du roi de Navarre, et qu’il se gouvernât par un conseil que les États lui choisiraient ; moyennant quoi, ils lui entretiendraient et lui payeraient par leurs mains trente mille hommes. C’est ce que le dauphin ne voulut pas souffrir.

Cependant ils établirent un conseil pour l’administration du royaume, et commirent des gens pour manier les finances.

Le dauphin n’ayant pu les fléchir ni détourner leurs résolutions, usa d’adresse pour rompre l’assemblée et, sous divers prétextes, obligea les députés à se retirer. Il en envoya d’autres par tous les bailliages et sénéchaussées, pour leur demander quelques secours, espérant que chacun en particulier n’oserait lui dénier ce que tous ensemble lui refusaient hardiment.

Durant ces troubles, chacun s’imaginait avoir le temps propre pour recouvrer ses droits et ses priviléges. La noblesse commençait à s’allier avec les villes. S’ils eussent bien cimenté cette union, la royauté en eût été fort affaiblie. Le dauphin trouva moyen de séparer la noblesse de cette union, et de l’attirer à lui par l’espoir des récompenses. De leur côté, les villes entrèrent en défiance contre les gentilshommes, et se fortifièrent.

À l’exemple du souverain, qui avait plus songé à l’agrandissement de sa puissance qu’au bien public, tout le monde ne se souciait que de son intérêt particulier, et renversait tout pour y parvenir.

Les députés que le dauphin avait envoyé dans les provinces n’en rapportaient que des griefs. Le Languedoc seul offrit de soudoyer 5 000 chevaux pour le service du roi ; les autres refusèrent tout, à moins qu’on ne le fit ordonner par les États.

En 1357, ayant besoin de quelque autorité publique pour se faire déclarer régent, il avait convoqué les États pour le 5 février, à Paris, et ils furent tenus aux Cordeliers ; mais il ne put en obtenir plus que la première fois. Ils forcèrent le chancelier Laforêt de quitter les sceaux, chassèrent tous les principaux officiers des finances, firent saisir et annoter tous leurs biens ; et sur les remontrances de l’évêque de Laon, désappointèrent tous les grands officiers du royaume, même ceux du Parlement, hormis seize. Le dauphin, ne trouvant donc pas son compte avec eux, remit l’assemblée à quinze jours après Pâques.

Les États furent assemblés en 1358. On avait besoin d’argent pour la rançon du roi. Les Anglais ne demandaient que de l’argent, et le dauphin faisait courir le bruit qu’ils le délivreraient pour 600 000 florins. Pour se rendre maître de cette assemblée, il amassa des troupes autour de la ville, ce qui offensa beaucoup les Parisiens et les députés des États.

Déclaré régent par le Parlement, il ne voulut plus être à la merci des Parisiens ni des États généraux ; il trouva meilleur d’en tenir de particuliers qui lui accordèrent quelques contributions.

Depuis ce temps, il n’y eut que des troubles et des désordres dans le royaume.

Cependant le roi, toujours captif à Londres, s’en remit aux États de son royaume sur les conditions que l’Anglais lui proposait pour sa délivrance.

Les États assemblés à Paris en 1359 trouvèrent ces conditions si dures, que tous, d’une voix, ils choisirent plutôt la guerre, et offrirent de grands secours pour la faire.

L’Anglais ne se laissa point prévenir ; il la déclara. Il s’avança même jusqu’à sept lieues de Paris.

Enfin les députés de part et d’autre conclurent la paix et la rançon demandée pour la délivrance du roi.

ÉTATS GÉNÉRAUX DE 1369, SOUS CHARLES V.

Charles V avait résolu de rendre nul le traité de Bretigny, par lequel Edouard, roi d’Angleterre, se croyait souverain absolu en Guyenne, et il voulut que ce prince demeurât toujours vassal de la couronne.

Il lui fit déclarer la guerre ; et les États généraux, assemblés le 27 décembre, octroyèrent au roi une imposition d’un sou par livre sur le sel, de 4 livres sur chaque feu dans les villes, et 30 sous aux champs : comme aussi sur la vente du vin à la campagne le 13° en gros et le 4° en détail, et sur l’entrée à Paris, 15 sous par queue de vin français, et 24 sous par queue de vin de Bourgogne, « à quoi, dit Mézerai, les villes consentirent fort gaiement, parce qu’elles savaient bien que ces levées seraient bien ménagées, et qu’elles cesseraient avec la guerre. »

ÉTATS GÉNÉRAUX DE 1380, SOUS CHARLES VI.

Le peuple gémissait sous le fardeau des impo-