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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

les prérogatives des rois. Ces prérogatives s’accrurent encore, parce que la pairie oubliant son pouvoir, et la nation n’ayant à la tête des affaires que des pairs de création royale, perdit ainsi tous ses représentants.

Le roi devient chef absolu des armées.

Mais quand le pouvoir fut entre les mains du roi, et qu’il fallut lever des armées pour soutenir l’autorité royale dans le royaume agrandi par la réunion des provinces, il s’établit alors en France une puissance véritablement militaire, dépendante absolument des rois, instrument des rois et la base de ce despotisme qui domina surtout sous le règne des Valois, à qui la nation reprochera toujours la subversion de l’ordre. Il ne fut bientôt en France de véritable honneur et de moyens de s’élever que dans l’état militaire, et les monarques exercèrent ce nouveau pouvoir, tant pour réprimer les ennemis du dehors que pour soumettre toutes les oppositions du dedans.

Le clergé soumis au roi absolument.

Il restait un corps dans l’État, qui par ses richesses, par le respect que la nation lui portait, par l’ascendant qu’il avait sur tous les esprits à cause de ses lumières, n’était pas encore dans l’ordre des citoyens assujettis. Une grande révolution le conquit aux monarques : François Ier, s’emparant de la moitié des biens des moines en nommant l’abbé, qu’il rendit commendataire, nomma aussi aux évêchés de son royaume, en sorte que, dans peu de temps, on ne fut grand en France, dans l’Église, dans l’épée, que par la volonté du roi.

Vénalité des charges.

La magistrature cependant conservait encore quelques-unes de ses formes antiques qui représentent l’état des peuples libres : elle choisissait dans les candidats trois sujets ; elle les présentait au roi qui choisissait encore. François Ier rendit ces charges vénales, et dès lors il ne fut plus permis de juger qu’après en avoir acheté la prérogative.

Les provinces perdent leurs représentants en perdant leurs états.

Tout allait en décadence, et tout pouvoir national disparaissait. Il restait cependant encore dans les provinces réunies des images ou des ombres de leur ancien droit public, des restes de leurs états généraux. Cette constitution si favorable aux peuples, si capable de faire connaître aux rois la prospérité ou la misère des provinces, fut encore la proie du pouvoir ministériel ; la Provence, la Guyenne, la Normandie, le Dauphiné perdirent leurs états. Un roi, jaloux de tout faire immédiatement par ses ministres, imagina ensuite la fonction des intendants qu’il répandit dans toute la France pour y exercer son pouvoir arbitraire.

Richelieu.

Cependant la France, sous Louis XIII, soupirait encore après sa liberté ; mais Richelieu parut, qui, par ses coups d’État, punit quiconque osa parler de priviléges. On imagina aussi la ressource des commissions, parce qu’il restait dans la magistrature un certain amour de la justice qui l’empêchait de commettre des sacrilèges contre nos lois. Et il y eut des hommes qui se vendirent à ce ministre pour exécuter ses ordres sanguinaires ; et par l’invention des commissions, les ministres furent assurés des jugements,

Trafic de la liberté des citoyens.

Telle était à peu près la marche du pouvoir royal quand le ministre trafiqua plus que jamais de la liberté des citoyens.

Pour opérer en paix ces révolutions, la perte de la liberté était l’épouvantail redoutable que le gouvernement opposait au mécontentement des corps et des citoyens.

Petit à petit le jeu des ministres sur la liberté des hommes fut tel, que, sous Dubois et Fleury, il fut donné des milliers de lettres de cachet pour maintenir, par exemple, une bulle du pape dont les peuples n’ont jamais connu que le premier mot : Unigenitus.

France ! étiez-vous digne d’un pareil traitement !


HISTOIRE DES ÉTATS GÉNÉRAUX.
Leur forme et la cause de leur convocation.
Sur la convocation des États.

La convocation des États généraux a été vivement sollicitée par les cours souveraines ; elle a été promise par le roi : objet des vœux unanimes de la nation, elle est regardée comme le remède unique à tous les maux dont la France est affligée.

J’ai puisé dans notre histoire le développement des motifs qui, dans les différentes époques de la monarchie, ont nécessité les États généraux, et les effets qu’ils ont produits.

Je n’ai voulu suppléer par aucune réflexion particulière aux réflexions de ces historiens, dont les ouvrages consacrés par le temps, destinés à l’instruction des princes eux-mêmes, et authentiquement publiés, sont revêtus d’un caractère légal qui les met à l’abri de la censure.

J’ai pensé qu’un recueil historique des États généraux ne pourrait que seconder les vues du gouvernement, qui vient d’inviter tous les ordres des citoyens à lui envoyer toutes les recherches et tous les éclaircissements qu’ils peuvent se procurer sur cette matière. C’est une source où chacun pourra puiser beaucoup plus facilement que s’il fallait recourir à d’immenses bibliothèques. Les historiens qui nous ont transmis ces détails les ont trouvés dans les procès-verbaux déposés