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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

§ II.
Observations sur la Constitution française et sur les assemblées nationales, sous la seconde race des rois.
Que la souveraineté appartenait encore à la nation réunie au roi, sous la seconde race. — Continuation des champs de mars, que Pépin change en champs de mai.

Sous la seconde race, l’assemblée générale de la nation était encore périodique ; c’est-à-dire que tous les ans, en rase campagne, sans qu’il fût nécessaire de convoquer les Français, la nation s’assemblait.

Mais la nation était déjà plus civilisée, plus portée aux plaisirs de la société ; car elle s’avisa que l’assemblée nationale était convoquée dans une saison trop rigoureuse, pendant le mois de mars ; le roi Pépin la renvoya au 1er de mai.

Sous la première race, l’armée des conquérants commençait en mars ses excursions, précédées de l’assemblée nationale. Si ce peuple guerrier eût continué jusque dans le mois de mai ses assemblées politiques, il eût perdu en discussion un temps précieux et nécessaire aux conquêtes ; mais quand la civilation eut fait plus de progrès dans la société, on trouva que l’assemblée dans les champs souffrait des rigueurs de la saison : elle fut donc transférée au mois de mai. Dès lors, on n’appela plus l’assemblée nationale les Camps de mars, mais les Camps de mai.

Puissance royale et nationale dans les affaires.

Les rois ne discontinuèrent pas dans les camps de mars d’agir concurremment avec la nation. L’hommage des peuples vaincus ne se rendait pas au roi victorieux, mais à l’assemblée ou au parlement général des Français. Tel fut l’hommage de l’an 764, rendu à Worms.

Charlemagne lui-même ne fut puissant au dedans et au dehors que parce que, tant en affaires d’administration qu’en matières d’impôt, il affecta d’agir sans cesse pareillement avec les Français. Pour faire son testament, il assembla la nation. Les criminels d’État, Tassillon, par exemple, ne fut jugé que par la France assemblée. C’est un parlement qui le reconnut souverain en Austrasie.

Le Débonnaire, suivant les traces de son père, n’avait garde de rien faire que de concert avec la nation : ses capitulaires ne furent dressés que de concert avec l’assemblée. Le partage de ses royaumes et de ses domaines ne se fit qu’avec la sanction des États ; il déposa Lothaire, son fils, en présence de ses sujets, et le reçut en grâce dans une seconde assemblée tenue expressément.

Les alliances mêmes ne se contractaient qu’avec le consentement de l’État. Dans les grands voyages des rois, la nation jugeait quel prince devait être régent, et les grandes comme les petites affaires étaient traitées de concert entre la nation et les rois.

Du pouvoir militaire des rois et du pouvoir civil.

On peut faire ici une observation essentielle qui est particulière à la seconde race des rois de France, c’est que le pouvoir militaire qui établit la monarchie par la conquête s’étant changé en pouvoir civil, les rois qu’on élevait sur un pavois, au champ de mars, pour les montrer à toute l’armée, ne furent plus inaugurés dans cette forme à la fin de la première race et sous la seconde.

Alors la monarchie s’étant changée en un gouvernement mixte, l’inauguration se fit avec plus de solennité dans l’assemblée générale des ordres, composée de tous les représentants de la nation ; et comme le pouvoir royal fit des progrès, les souverains ne furent plus élus. Ils eurent besoin cependant, pour monter sur le trône, du consentement national. Ainsi, la monarchie, toute militaire au commencement, se changeant en gouvernement civil et mixte, le monarque, qui n’avait à traiter qu’avec ses compagnons de conquêtes et avec l’armée, fut obligé d’agir concurremment avec tous les ordres de l’État ; et les ordres, reconnaissant combien la succession héréditaire était plus compatible avec le génie d’une nation plus portée à la tranquillité et aux plaisirs qu’aux commotions qu’entraînent les élections des rois, consentit que la couronne fût héréditaire, se réservant néanmoins, à chaque mutation de règne, le droit de ne pas reconnaître ou de reconnaître les nouveaux rois.

Serments de fidélité.

De là les serments de fidélité, qui prennent leur origine dans les premiers âges de la monarchie. Ces serments sont la preuve la plus convaincante de la liberté des grands de reconnaître leur souverain ; mais aussi ce même serment porte avec lui l’obligation authentique de lui obéir quand la nation assemblée, selon l’usage de ce temps-là, l’a reconnu pour souverain légitime. Un fils ne fait point serment d’obéir à son père, parce que la nature l’a rendu soumis à celui de qui il a reçu le jour, et dans un empire où la force est le principe du gouvernement, comme dans plusieurs États de l’Orient, on n’emploie pas non plus la voix du serment, parce qu’on est forcé d’obéir au pouvoir dominant ; mais une nation qui élit librement son roi s’attache à lui quand elle l’a élu ; en sorte que, tant qu’il est juste, humain, religieux et protecteur du faible et de l’innocent, la nation est obligée de lui porter honneur, respect et obéissante, comme étant son seul et légitime souverain.

Origine de la noblesse française.

La noblesse française acquit, sous la seconde race surtout, une consistance qui fut dans la suite la base de la monarchie. On a beaucoup écrit et