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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

le pavois. Ainsi Childebert fut proclamé roi du consentement des nations sur lesquelles son père Sigebert avait régné. Clotaire ne fut reconnu qu’après certaines conditions qu’il consentit. Dagobert Ier, pour succéder à son père, eût besoin que les grands le reconnussent avec le serment des députés de la nation.

Il y avait encore, dès ce temps-là, des officiers de la nation près du roi pour réprimer son pouvoir.

Charges et places nationales.

Tels étaient les maires du palais ; c’était la nation qui les créait, ou bien les rois eux-mêmes, mais du consentement des Français. Ainsi Clotaire, avec le consentement des grands, créa maire du palais Radon, dans l’Austrasie, et fit Herpon duc au delà du Jura. En 626, le même Clotaire fait assembler les grands pour élire un maire à la place de Garnier, qui était mort.

La plupart des maires du palais abusaient de ce pouvoir qu’ils tenaient de la nation ; car on voyait souvent roi contre roi : à la mort de Garnier les grands n’en voulurent plus, et prièrent le roi d’en faire l’office lui-même.

Clovis assemble aussi les grands en 642, à Orléans, pour l’élection de Flzocat, maire du palais, et les plus anciens documents nous montrent que cet officier était établi pour servir de contre-poids à l’autorité royale. Peu à peu la nation abandonna à ses souverains l’exercice du pouvoir de cet officier qui était si souvent à charge à l’État, dont le gouvernement d’un seul était la base et l’essence.

Condition des personnes.

La condition des personnes, après la conquête de Clovis, ne fut pas telle que tout fût esclave en France.

Clovis, aussi habile politique que conquérant redoutable, traita, pour ainsi dire, avec la nation, et fit des conditions avec elle pour obtenir qu’elle se laissât gouverner.

Il trouva des cités policées, un peuple éclairé, une religion pleine d’humanité, de charité, qui était la gardienne des mœurs, des sciences et des arts : il adopta toutes ces institutions.

Le barbare du Nord brisa même ses divinités et se fit baptiser ; il protégea les chrétiens et s’appuya de leur fidélité et de leur attachement.

Il leur laissa la législation établie dans les Gaules, les droits des cités, les formes municipales et les assemblées générales de la nation auxquelles ils étaient accoutumés ; il appela auprès de sa personne des prélats ; il présida à leurs conciles, il voulut paraître dévot aux saints qui étaient alors en vénération ; il voulut agir avec eux dans leurs institutions canoniques ; il promit d’en poursuivre l’exécution et de les défendre.

L’ordre admirable que Clovis trouva dans la constitution politique des Gaules retint même ce conquérant barbare dans de telles bornes de respect, que ce monarque ordonna de garantir du pillage un grand nombre de villes dont la plupart subsistent encore : elles conservèrent leurs priviléges, leurs usages, leurs lois ; et malgré sa barbarie et son caractère atroce, ayant réuni une partie des Gaules à son armée de France, ce ne fut que de leur avis et par leur consentement qu’il fit la guerre contre les Visigoths ; il avait déjà traité et composé avec ses sujets unis dans l’assemblée de 506.

Lois

Les peuples gaulois, quoique vaincus et soumis, ne cessèrent donc pas d’être gouvernés par le vainqueur selon leurs anciennes lois ; ils étaient jugés selon ces lois, et celles que les premiers monarques établissaient étaient telles qu’elles n’obligeaient pas toujours tous les sujets indistinctement, car on laissait aux peuples le droit d’être jugé selon ses anciennes lois ; il n’était donc pas rare de voir un Franc jugé selon la loi nouvelle, et son voisin selon la loi ancienne : ce qui montre que les peuples les plus barbares ont respecté dans leurs conquêtes les lois et les usages établis ; on sait que le barbare, qui ne connaît que la force a le cœur compatissant et débonnaire à la vue des peuples conquis, et il n’est donné qu’au despote vicieux et réfléchi de tenter la destruction des priviléges qui traversent ses idées.

Quant aux subsides qui étaient perçus dès le commencement de la monarchie, il faut distinguer les domaines des rois d’avec les domaines de l’Église ; il y avait aussi des domaines qui appartenaient encore aux Gaulois, et des bénéfices.

Le domaine de l’Église fut toujours sacré pour les rois. Quand un des souverains de la première race voulut imposer sur le clergé des subsides, le seul évêque, nommé Injuriosus, qui s’y opposa dans une assemblée, en empêcha la collecte.

Les domaines des Français étaient francs aussi de toute imposition, les peuples ne portant aux champs de mars que des offrandes volontaires ou des dons gratuits. L’Église a conservé le souvenir de ces formes d’octroi.

Les rois, pour subsister, étaient donc obligés de s’en tenir à l’usage de leur domaine ; et ce domaine, dont il ne reste aucune trace aujourd’hui, était la portion des terres conquises échues en partage au roi après la conquête. L’armée ne consentait même à la distribution des terres et du butin que par la voie du sort, témoin le vase de Soissons ; car le monarque ne pouvait pas même disposer, sous le roi Clovis, le plus redoutable des conquérants, d’un vase volé dans une église, sans le consentement des compagnons de ses conquêtes.

Cependant, sur la subsistance des capitaines et