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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

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et les plus puissants. Le duc d’Orléans était à leur tête, et son nom faisait déjà un grand poids dans la balance ; mais le duc de La Rochefoucault et quelques autres montraient plus de zèle encore, causaient moins d’enthousiasme et méritaient plus d’estime.

La haute noblesse et le clergé s’opiniâtraient seuls à la résistance. L’archevêque de Paris alla à Marly supplier le roi d’intervenir et de dicter ses volontés suprêmes. En conséquence, la séance royale fut indiquée pour le 23 juin. Elle devait être le prélude de la dissolution des États.

Il fut enjoint aux députés de cesser leur séances, pour que l’on pût décorer la salle. Ils sentirent ce que ce prétexte avait d’illusoire, et s’assemblèrent dans un jeu de paume ; ainsi, tandis que l’on décorait le lieu qui avait paru digne des députés de la nation rassemblée pour qu’il le fût de la présence du roi, une académie de jeu devenait une espèce de temple environné de tout l’éclat de l’enthousiasme public, et où la patrie reçut les plus augustes serments.

§ Ier.
Observations générales sur la constitution française et sur les assemblées nationales, sous la première race des rois.
La souveraineté était exercée par la nation et le roi réunis. — Constitution primitive de la nation.

Plus on monte vers les premiers âges de la monarchie, plus on trouve de liberté, de privilége et des droits dans la nation française.

C’est une assemblée nationale qui élit des rois, ou plutôt des compagnons de conquêtes, qui les montrent à l’armée en les élevant sur un pavois.

À cette époque, il n’appartient point encore au chef de cette nation de convoquer quand il lui plaît ni de désigner le lieu où il lui plaît de célébrer cette assemblée.

Champ de Mars.

La nation elle-même s’assemblait tous les ans dans ses Champs de Mars, soit avec le consentement, soit sans le consentement de ses rois.

Là on dressait des lois ; on y traitait de la paix et de la guerre ; on partageait le butin par le sort ; on y expliquait la loi qui avait besoin de commentaire.

Succession du trône non déterminée.

Quant à la succession au trône, il paraît qu’elle appartenait à tous les enfants des rois, et surtout depuis le roi Clovis ; car on n’avait pas encore reconnu l’indivisibilité de la couronne, puisque les quatre enfants de ce roi la partagèrent entre eux.

Les inconvénients d’une pareille division n’étaient pas même encore connus ; les rois n’avaient pu encore ordonner l’indivisibilité en faveur de l’aînê des mâles et de ses descendants, et les sujets n’avaient point reconnu les abus d’une aussi grande succession partagée.

La nation, quoique gouvernée par quatre rois, était cependant indivisible en elle-même ; car les quatre royaumes s’assemblaient également en champ de mars pour les affaires générales.

Mais le roi ne pouvait encore, de son autorité absolue, rien ordonner ni terminer. La France assemblée était son conseil et ses ministres ; et pour bâtir même l’église Sainte-Geneviève, le roi avait besoin du consentement de la nation, comme pour fonder l’abbaye Saint-Germain-des-Prés, à laquelle Childebert Ier ne donna une portion de ses domaines que de l’avis des Français et des Neustriens.

La nation jouissait souverainement du pouvoir de juger et de déposer ses rois ; les dissolutions de Childéric suffirent à la France pour l’exclure du trône : les seigneurs s’assemblent, et donnent le gouvernement à Gilon. Thierri III}, roi de Neustrie et de Bourgogne, fut encore, pour sa conduite arrogante, détrôné, rasé et renfermé ; et si Childéric remonta sur le trône, c’est parce qu’il y fut rappelé par l’assemblée de la nation.

Il était bien juste en effet qu’une troupe de capitaines, qui créait des rois en élevant sur un bouclier l’un des compagnons de leurs conquêtes, se conservât le droit de l’en précipiter, quand il ne se comporterait pas comme un bon monarque.

De nos jours on a vu les Aragonais, dans l’élection ou l’intronisation de leur souverain, lui prêter un serment qui annonce que tous les peuples n’ont point voulu se vendre à l’autorité royale, ni laisser perdre de vue que les rois doivent la couronne à leurs sujets.

Nous qui valons autant que toi, disent les Aragonais à leur souverain, nous te faisons roi pour nous gouverner avec justice et selon nos lois ; sinon, non.

Une autre observation, c’est qu’au commencement de la monarchie, il ne fut pas toujours prescrit d’être fils du roi pour lui succéder. Ainsi Glodion n’était pas père de Mérovée, qui lui succéda. Sous les règnes suivants, la loi qui veut qu’un roi succède à un roi son père se fortifia. Cependant, en 715, les Français assemblés préférèrent le fils de Childéric II à Thierri, fils de Dagobert, leur roi ; et Pépin fut créé roi, élu roi. nommé roi, sacré roi, au préjudice de Childéric, son prédécesseur, déposé, rasé et renfermé à la diète de Soissons, en 752, quoique sa race eût régné dans les Gaules près de trois cents ans.

Les rois même qui succédèrent à leur père devaient être reconnus ou portés par les grands sur