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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

Dénomination bien remarquable, soit par rapport au temps où le ministre du prince s’en est servi, soit relativement au caractère du personnage qui n’a pas cru pouvoir la refuser, soit enfin d’après le monarque, en la présence duquel son chancelier en a fait usage !

Louis XII renonça à conclure le mariage de sa fille avec Charles-Quint aussitôt que les États eurent cassé l’imprudente promesse faite par ce prince, qui n’eut garde de vouloir éluder une délibération unanime.

Malgré le goût de François I er et de Charles IX pour le despotisme et la dissipation, ils ne songèrent pas plus à résister aux États généraux, qui rompirent le traité fait à Madrid par le vainqueur de Cerisolles, et bornèrent Charles IX dans sa dépense.

On a encore, dans le discours de Henri III aux États de Blois, la harangue de Henri IV aux notables de Rouen, les lettres de Louis XIII et de Louis XIV pour les convocations de 1614 et 1615, des preuves nouvelles de la supériorité des États, reconnue par ces quatre princes.

« Si vous en usez autrement (expose Henri III aux États de 1576 à Blois, en leur demandant la réforme de plusieurs abus qu’il désigne), vous serez comblés de malédictions, vous imprimerez une tache perpétuelle d’infamie à votre mémoire.

« Et moi, je prendrai à témoin le ciel et la terre, j’attesterai la foi de Dieu et des hommes, qu’il n’aura pas tenu à mon soin ni à ma diligence que les désordres de ce royaume "n’aient été réformés, mais que vous avez abandonné votre prince en une si digne, si sainte, si louable entreprise.

« lit finalement vous ajournerai à comparaître au dernier jour devant des juges, là où les intentions et les passions se verront à découvert. »

11 ne leur dit pas, ce prince : Si vous ne me secondez point aveuglément dans mes projets, j’aurai recours à l’autorité, toujours inséparable de ma personne ; il se contente de leur opposer l’opinion publique, et s’efforce d’exciter en eux les sentiments de l’honneur.

Ce qui prouve que ses fonctions à l’assemblée générale ne consistaient, de son aveu, qu’à proposer, et non pas à résoudre, qu’à remontrer, et non pas à prescrire, qu’à soumettre son opinion particulière au sentiment universel, et non pas à le subjuguer.

Dira-t-on qu’en accordant aux États le pouvoir, soit de rejeter les lois proposées par le prince’ soit d’en créer eux-mêmes, nonobstant son opposition, il lui restait toujours au moins le droit de gêner le cours de celles qui lui paraîtraient propres à perpétuer les abus ?

Chargé de l’exécution des lois, ajouterait-on qu’il serait possible de l’astreindre à faire respecter des dispositions qu’il croirait contraires à l’intérêt général ?

Indépendamment de ce qu’une semblable restriction ramènerait tôt ou tard le pouvoir monarchique au despotisme, les lettres du même prince, portant convocation des États à Blois, fournissent encore la réponse ki plus satisfaisante sur ce point.

« Assurant nos sujets (rencontre- t-on à la fin de ces lettres) que, de notre part, ils trouveront toute bonne volonté et affection d’exécuter entièrement tout ce qui aura été avisé et résolu auxdits États. »

Il était difficile de réunir en faveur des États généraux autant de titres et aussi peu de paroles, et de cimenter plus solidement leur empire.

Mêmes maximes, même respect pour la constitution, même promesse de donnera la volonté des notables, et, à plus forte raison, à celle des États, une juste préférence sur la sienne, dans le discours de Henri IV à l’assemblée des notables, tenue à Rouen au mois de novembre 1596.

« Si je voulais acquérir titre d’orateur, j’aurais appris quelque belle et longue harangue, et la prononcerais avec assez de gravité ; mais, Messieurs, mon plaisir tend à deux plus glorieux titres, qui sont de m’appeler libérateur et restaurateur de cet État. Pour à quoi parvenir je vous ai assemblés. Vous savez à vos dépens, comme moi aux miens, que lorsque Dieu m’a appelé à cette couronne, j’ai trouvé la France non-seulement quasi ruinée, mais presque toute perdue pour les Français. Par grâce divine, par les prières de mes serviteurs qui ne font profession des armes, par l’épée de ma brave et généreuse noblesse (de laquelle je ne distingue point mes princes, pour être notre plus beau titre, foi de gentilhomme !), par mes peines et labeurs, je l’ai sauvée de perte ; sauvons-la à cette heure de ruine. Participez, mes sujets, à cette seconde gloire avec moi, comme vous avez fait à la première. Je ne vous ai point appelés, comme faisaient mes prédécesseurs, pour vous faire approuver mes volontés. Je vous ai fait assembler pour recevoir vos conseils, pour les croire, pour les suivre, bref, pour me mettre en tutelle entre vos mains ; envie qui ne prend guère aux rois, aux barbes grises, aux victorieux ; mais le violent amour que je porte à mes sujets, l’extrême désir que j’ai d’ajouter deux beaux titres à celui de roi, me fait trouver tout aisé et honorable. Mon chancelier vous fera entendre plus amplement ma volonté. »

Un dernier argument en faveur du pouvoir des États se tire de la résistance qu’apportèrent, en 1788, deux ministres, l’archevêque de Sens et M. de Lamoignon, son collègue, à la convocation effective de celte assemblée générale, dont, avec raison, ils redoutaient pour eux les conséquences.

La crainte qu’ils avaient des États confirme qu’ils étaient pénétrés de la crainte de perdre