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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

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formellement avouée par Clotaire II, ne la consoliderait-il pas d’une manière plus authentique ?

Imbu des mêmes principes, son fils Clovis II les retraçait énergiquement à l’assemblée de Clichy-la-Garenne.

« Le vain éclat qui m’environne, disait-il, loin de m’éblouir, ne sert qu’à m’éclairer sur l’étendue de mes devoirs.

« Parmi les obligations qu’ils m’imposent, celle de régler toutes mes démarches sur la loi, de ne prendre aucun parti dans une affaire importante qu’après avoir recueilli vos suffrages, et de m’interdire toute innovation que vous n’auriez pas approuvée, tient à juste titre le premier rang. »

C’est-à-dire, qu’à la nécessité de prendre dans les grandes affaires le vœu de la nation, est joint l’engagement du prince de se conformer irrévocablement à son résultat.

C’est-à-dire, que le chef ne peut vouloir que ce que la nation veut, qu’il n’a que la faculté de représenter ce qu’il croit utile, que la nation a seule le droit d’en décider, et qu’une fois adoptée par elle, la loi n’assujettit pas moins le chef que les individus.

C’est-à-dire, que le pouvoir réside nécessairement, et tout entier, dans l’assemblée générale, que les membres réunis sont seuls et véritables souverains, et que les rois de la première race ont perpétuellement reconnu pour leur conduite cette incontestable vérité.

Pour la seconde race, on vit Charles le Chauve rassembler cette doctrine en un même capitulaire, où les lois, ajoute-t-il, qu’il promulgue de l’agrément de ses peuples, n’obligeront pas moins ses successeurs que lui-même.

Un événement remarquable, qui a précédé le couronnement de Louis III et de Carloman, accumule les preuves de la puissance des États, et constate surtout l’idée qu’en avaient conçu les deux princes, qui leur durent de régner ensemble[1].

On trouve encore sous la troisième race des vestiges de la puissance des États généraux et de l’opinion qu’avaient les rois de leur autorité, soit qu’ils fussent composés des trois ordres, ou qu’ils ne renfermassent en plus grande partie que des barons.

« Sachez, déclarait Louis le Hutin à ses peuples, que je n’ai pas fait seul la loi que vous allez exécuter ; elle ne doit pas moins sa sanction aux personnes chargées par vous d’en délibérer avec votre monarque »[2].

Reconnaissance formelle de la puissance d’un parlement composé de barons, et par conséquent de l’incontestable supériorité de l’assemblée générale.

« Plût à Dieu (s’écriait avec douleur saint Louis en parlant du roi d’Angleterre) que je pusse triompher de l’entêtement de ceux dont je suis obligé de prendre les conseils ! »

Aux assemblées générales de 1319 et de 1327, Louis le Hutin et Philippe de Valois promettent de ne lever aucune taille que de l’avis de leur peuple et de leur consentement exprès.

Ils reconnaissent donc formellement aussi la supériorité des États généraux, qui signalèrent avec plus d’éclat encore leur puissance lors des deux avénements de Philippe le Long et de Philippe de Valois à la couronne.

Du mariage de Louis le Hutin avec Marguerite, sa première femme, il ne restait, à la mort de ce prince, qu’une fille, qui s’appelait Jeanne, et avait pour oncle le duc de Bourgogne.

Celui-ci tenta d’élever sa nièce sur le trône, à l’exclusion de Philippe le Long, frère du précédent roi, et voulut s’étayer du suffrage des États généraux assemblés en la capitale.

Ils repoussèrent sa prétention, en conservant au profit de Philippe-le-Long la prérogative des mâles.

Décision qu’attendirent avec respect le duc de Bourgogne et Philippe le Long ; et ce fut un nouvel hommage rendu de leur part à la puissance des États généraux qui avaient terminé le différend.

Bientôt le décès de Charles le Bel, sans postérité masculine, fit renaître la contestation entre Philippe de Valois, descendant en ligne directe de Philippe le Hardi, et le roi d’Angleterre Edouard, comme issu d’une fille de Philippe le Bel.

La cause fut discutée solennellement aux États généraux, qui prononcèrent en faveur de Philippe de Valois[3].

Jugement qui ne laisse plus de doute sur la
puissance des États généraux.

Doutait-il de cette suprême puissance, Charles VIII, dont le chancelier, en présence et de l’agrément du prince, parlant, en son nom, aux États assemblés à Tours, en 1484, les traitait respectueusement de messeigneurs ?

  1. C’est encore une assemblée générale qui déféra la couronne à Louis et à Carloman, enfants de Louis le Bègue, et qui décida la question si la répudiation de leur mère devait les empêcher de succéder au trône. Lett. hist. sur les parlements, tome Ier, page 193.
  2. Et sciendum quod nos et barones nostri statuimus et ordinavimus. — Lett. hist. sur les parlements, tome Ier, page 303.
  3. Finalement, parties ouïes, fut par lesdits États prononcé arrêt selon l’avis de tous les princes, nobles, gens de bonne ville, justiciers et notables, prins et accordé par les contendants, par lequel fut audit Philippe de Valois adjugé le royaume de France, et fut déclaré leur vrai roi et souverain seigneur, privativement contre tous, et enjoint à tous de le reconnaître tel et de lui obéir, et lors fut oingt à Rheims, par Guillaume, archevêque dudit lieu, le jour de la Trinité, en présence dudit Edouard qui ne l’empêcha pas. Papoy, liv. IV, tit. Ier, art. 4, Froissard et Nangius.