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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

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cavenda non tantum perfidia, sed et quidquid exasperat animos »[1].

Résultat de la demande que les ennemis du Roi Louis XIV firent pendant quelques moments des États généraux pour la sûreté de leur traité futur.

Cette réponse, qui suffit pour exprimer au naturel la situation des esprits dans ce temps-là, devait apprendre aux Hollandais et à toute l’Angleterre que, s’ils avaient autrefois pris les armes pour la défense de la liberté publique, les Français, poussés par des passions contraires, étaient capables de la même énergie pour soutenir le pouvoir le plus absolu, auquel Louis XIV les avait accoutumés. Les Hollandais et les Anglais comprirent l’énergie de ce mémoire, et n’insistèrent plus sur cette condition pour accorder la paix. Aussi ne fut-il plus question d’États généraux dans leurs négociations politiques ultérieures.

Mais ces conditions plus dures, auxquelles le roi eut la faiblesse de souscrire, appelaient ce grand monarque à d’autres humiliations, et les Hollandais le conduisirent d’une condition à l’autre jusqu’à celle d’exiger qu’il ôtât à son propre petit-fils le trône d’Espagne. Leur haine ne fut pas satisfaite ; le roi mourut victorieux encore de toute l’Europe, en assurant dans sa maison la couronne d’Espagne. Cet exemple prouve quelles sont les forces naturelles de la France contre toute l’Europe liguée, et dans une circonstance où l’État était dans la désolation, toute dépeuplée, sans crédit et sans finances. Que la nation soit donc le conseil et le ministre de son roi, comme sous Charlemagne, et elle commandera à toute l’Europe par son influence.

Ainsi la reine régente, mère de Louis XIV, ayant éludé les États généraux, et ce monarque ayant prévenu ceux de ses ennemis qui ne voulaient faire la paix qu’avec la nation française et non avec le roi, le règne de ce grand monarque, le plus long dont nos annales aient conservé la mémoire, s’écoula sans qu’on osât parler d’États, de droits et de priviléges.

RÈGNE DE LOUIS XV.
Source des affaires politiques qui occasionnèrent, pendant la minorité de Louis XV, la demande des États généraux.

Quand le duc d’Orléans eut éloigné de la régence le duc du Maine, il parut se ressouvenir de tout ce qu’il avait eu à souffrir des princes légitimés durant la vie de Louis XIV ; il reconnut que l’édit qui associait aux princes du sang les enfants adultères du monarque était injuste ; il ne pouvait tolérer dans leur droit de succéder à la couronne la supposition odieuse de l’extinction de sa famille. Il résolut donc d’anéantir les prérogatives que le monarque avait accordées à ses enfants légitimés.

Les princes légitimés, de leur côté, forts de l’autorité qu’ils tenaient des charges et des places éminentes dont le roi Louis XIV les avait revêtus, résistèrent de toutes leurs forces à cette entreprise du régent, demandant les États généraux pour être jugés.

Les princes du sang intervinrent à ces affaires, et demandaient que les princes légitimés fussent déchus de leurs prérogatives. Le régent nomma une commission pour examiner l’affaire.

Le ministre punit la première demande des États généraux.

Alors s’élevèrent trente-neuf seigneurs des plus distingués du royaume, qui firent signifier au procureur général et au greffier du Parlement un acte protestant de nullité de tout jugement de cette affaire qui intéressait la nation entière, demandant les États généraux pour la juger. L’huissier à verge qui signifia cet acte fut interdit pendant six mois, et le régent fit arrêter quelques-uns de ceux qui avaient signé l’acte de protestation, savoir : MM. de Châtillon, de Vieux-Pont, de Beaufremont, qui furent conduits à la Bastille, etc. ; MM. de Rieux, de Poignac et de Clermont, qui furent menés à Vincennes : et soit à cause de ces différends personnels, soit pour avoir osé demander les États généraux, le régent dégrada de son rang la maison du Maine.

Ligue du roi d’Espagne, des princes légitimés et des jésuites contre le régent

Mais quand le duc d’Orléans eut conclu l’alliance avec l’Angleterre, l’Empire et la Hollande, qui étaient en guerre contre l’Espagne, le petit-fils de Louis XIV, Philippe V, à qui, par droit de naissance, la régence appartenait, se ligua avec le duc du Maine, prince légitimé, mécontent d’avoir perdu l’autorité que lui donnait Louis XIV par son testament, et d’être déchu d rang de prince du sang que le régent lui avai ôté.

La cour d’Espagne, les restes de la cour de Louis XIV, les jésuites, tous les dévots de la ville, de la cour et des provinces, se liguèrent avec la maison du Maine contre le duc d’Orléans, et le père Tournemine dirigeait la faction de sa compagnie.

Projet des ligués. L’assemblée des États généraux, odieuse au régent, était la base de leur plan.

On imagina de faire enlever le régent dans une partie de plaisir, de le transférer en Espagne, d’assembler les États généraux, de leur rendre

  1. De Jur Bel. ac. Pac, lib. IV, cap. 23.