Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome I (2e éd).djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

p. 95

lieu bienheureux où il est, il vous dirait, Sire, qu’après l’assistance de Dieu et de son épée, la conservation de cette couronne est due à la noblesse de France, ayant fait preuve de sa fidélité et de sa valeur secourable, lorsque la plupart des autres ordres s’étaient laissés emporter à la révolte ; et comme nous faisons profession de mieux faire que de bien dire, aussi n’emprunterons-nous point des orateurs les artifices et les figures pour émouvoir la compassion de Votre Majesté sur la décadence et la misère de votre noblesse ; mais seulement nous la supplions très-humblement de croire qu’elle est au plus pitoyable état qu’elle fût jamais, et qu’il nous serait malaisé de représenter sans larmes la pauvreté qui l’accable, l’oisiveté qui la rend vicieuse, et l’oppression qui l’a presque réduite au désespoir. Nous en attribuons la cause à la mauvaise institution plutôt qu’à leur institution naturelle, au mélange des races nobles avec les roturiers, aux insolences et trop effrénées ambitions d’aucuns de leur ordre du siècle passé, qui, ayant diminué la bienveillance et accru la défiance des rois en leur endroit, les aurait portés à croire qu’il fallait en abaisser la puissance par l’élévation du tiers état et par l’exclusion des charges et dignités dont ils avaient peut-être abusé.

« Depuis ce temps là, Sire, étant déchus, nous avons été privés de l’administration de la justice, des finances et de vos conseils, au dernier desquels il semble toutefois que Votre Majesté a dessein de nous rétablir, ainsi qu’elle a voulu nous le faire connaître par l’un des articles qui a été lu en notre assemblée, dont nous rendons encore très-humbles grâces à Votre Majesté.

« Art. 1er. Votre Majesté est très-humblement suppliée de souffrir à l’avenir que les gouvernements, charges nobles de votre maison et les militaires, ne soient vénales, ni même héréditaires par survivance, ni tenues par autres que par les nobles.

« Art. 2. Et comme les nobles tiennent un rang honorable en l’État, étant doués des qualités nécessaires, ils semblent mériter la préférence aux charges les plus relevées en l’Église et en la justice. Afin de les convier à s’en rendre capables, il plaira à Votre Majesté les préférer à tous bénéfices, et ordonner que le tiers de tous les canonicats et prébendes, tant aux églises cathédrales que collégiales du royaume, sera affecté aux personnes de noble extraction, etc.

« Art. 3. Et pour à l’égard des monastères des religieuses, il plaira à Votre Majesté ne pourvoir aux abbayes, prieurés et places des religieuses, que des filles de noble extraction pour les monastères de fondation royale, et sans argent.

«Art. 4. Que la quatrième partie de tous les régiments et compagnies de cavalerie, entretenus en temps de paix, sera remplie de gentilshommes, ou rétablir les compagnies de gendarmes, selon les anciennes ordonnances.

« Art. 5. El d’autant que votre royaume, Sire, est aujourd’hui rempli d’un nombre infini de colléges, lesquels, au dommage de l’État, soustraient au public une infinité de gens qui abandonnent les arts, le commerce, le labourage et la guerre, tournent à charge au public, et qui, pour avoir passé leur jeunesse dans l’oisiveté des lettres, deviennent pour la plupart incapables de servir ; Votre Majesté est suppliée de retrancher le nombre excessif desdits colléges, et au lieu d’iceux avoir agréable d’ordonner et faire établir en chaque archevêché ou province des colléges militaires pour l’instruction de la jeunesse.

« Art. 6. Il plaira aussi à Votre Majesté établir quelque nombre de gentilshommes des plus savants et mieux nourris dans les affaires, pour avoir entrée et voix délibérative dans vos parlements, rang et séance, selon qu’il plaira à Votre Majesté l’ordonner.

« Art. 7. Que le tiers de vos conseils de finance, de direction et des parties, sera composé de noblesse.

« Art. 8. Il plaira aussi à Votre Majesté instituer un ordre nouveau pour la pauvre noblesse, sous le nom et le titre de Saint-Louis, qui consiste en chevaleries et commanderies, dont la plus basse soit de cinq cents livres, et la plus haute de six mille livres, à prendre sur les bénéfices vacants, à proportion du revenu par forme de pensions viagères, avec les brefs de Sa Sainteté requis et nécessaires, comme il s’est pratiqué ailleurs, etc.

« Art. 9. Que les chevaux et armes des gentilshommes et capitaines des régiments entretenus ne pourront être saisis, si ce n’est par les marchands mêmes ou autres qui leur en auraient fait la vente.

« Art. 10. Et pareillement que l’ordonnance des quatre mois, qui se trouve universellement trop rigoureuse, n’aura point lieu contre les nobles d’extraction et capitaines entretenus.

« Art. 11. Qu’en cas de crime, les exécutions des condamnations à mort, ordonnées contre les gentilshommes de nom et armes, seront sursises pendant quinze jours, pour éviter les précipitations procédantes de haines et passions d’aucun juge à l’endroit des criminels, au préjudice de Votre Majesté, bien et honneur de la noblesse, hormis les crimes exceptés.

« Art. 12. Que, conformément aux anciennes ordonnances, aucun roturier ne pourra acquérir fief ou terre noble, sur peine de nullité des contrats, sans permission de Sa Majesté.

« Art. 13. Que les gentilshommes pourront avoir part et entrée au commerce sans déchoir de leurs priviléges.

« Art. 14. Et afin de convier un chacun d’embrasser avec plus de courage la condition des lo-