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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

Picardie, avec les anciens régiments qui sont en garnison à Montpellier, au fort Louis, au Pouzin, en Bretagne, en Normandie, revenant par mois, compris la cavalerie entretenue, à près d’un million de livres, ont déjà reçu une montre en novembre et une autre qu’on leur paye à présent.

« Il a fallu fournir à M. le connétable, pour Pouzin, trois cent mille livres, autant à la garnison de Montpellier, qui n’est encore contente, trois cent dix mille livres à ceux de la religion prétendue réformée, près de cinq cent mille livres à M. Thoiras, environ deux cent mille pour les vaisseaux de Hollande, et pareille somme qui était due à ceux qui ont servi à l’île de Ré et à Blavet ; cent mille livres à M. de Retz pour l’acquisition de Belle-Isle ; et avec tout cela il a fallu soutenir les dépenses des maisons qui se payent en argent comptant tous les mois, étant pour la nourriture du roi, des reines et de Monsieur.

« L’on donne en outre tous les mois, tant pour le comptant és mains du roi qu’aux officiers de la chambre aux deniers, argenterie, trésorier de la maison du roi, menus, écurie, offrande, vénerie, fauconnerie, archers de la porte et du grand prévôt, Cent-Suisses, quatre cents archers des gardes, deux cents gens d’armes, deux cents chevau-légers, soixante quinze mousquetons, régiments de quatre mille hommes français et de deux mille deux cents Suisses, appointements de eurs colonels, le tout montant à plus de sept cent mille livres, qui font pour sept mois plus de cinq millions de livres, y compris les menus dons, voyages et parties inopinées.

« Il y a encore beaucoup d’autres dépenses qui ont été faites depuis, qui montent à de grandes sommes, comme l’apanage de Monsieur, les récompenses données à {{MM.|l’amiral} et de Sourdeac et autres ; ensemble l’argent comptant envoyé aux étrangers, comme cent mille livres de pension à madame la princesse de Piémont, et le tout par très-exprès commandement du roi.

« Toute laquelle dépense en argent comptant a été faite par emprunt, dont les intérêts montent à plus d’un million de livres qui ont consommé tout ce qui restait de la recette de cette année 1627, avec les moyens extraordinaires qui se sont trouvés dans les affaires du roi ; de sorte que, pour rejoindre le courant, il est nécessaire de trouver de quoi vivre et couler le reste de l’année.

« J’ajouterai, Messieurs, que la dépense que M. de la Vieville avait réglée en 1623, et qui a fait tant de bruit, n’a pas laissé de monter à trente-cinq millions cinq cent mille livres, comme il se peut voir par l’état qu’en a présenté le trésorier de l’épargne, Beaumarchais ; laquelle somme ajoutée aux dépenses qui sont encore dues, il faudrait des sommes qu’il serait impossible de soutenir.

« Par là vous pourrez juger ce qui sera le plus expédient pour nous tirer des nécessités où nous sommes ; sur quoi j’en dirai librement mes sentiments, lorsque nous entrerons dans le menu, me contentant de vous avoir donné autant que j’ai pu la connaissance de l’état présent des affaires. »

Sur la proposition que le comte de Carmin fit ensuite aux notables de représenter au roi les misères où la pauvre noblesse se trouvait maintenant, comme elle était déchue de ses anciens priviléges, et quels étaient les désordres qui se glissaient tous les jours dans ce corps qui faisait la meilleure partie de l’État, et prier très-humblement Sa Majesté d’en avoir pitié et d’y apporter quelque bon remède, il fut résolu entre eux qu’il serait adressé une requête et des articles pour les présenter au roi ; et, pour ce faire, ils prièrent le dit sieur comte de Carmin d’y mettre la main. Ladite requête et articles signés furent présentés au roi, le 10 février, par le maréchal de la Force, qui fît la harangue, assisté du maréchal Bassompierre et de toute la noblesse de l’assemblée, en laquelle il présenta l’état déplorable de la noblesse ainsi qu’il suit :

Requête et articles présentés au roi par la noblesse de l’assemblée des notables, le 10 février 1627.

« Sire, puisqu’il a plu à Votre Majesté nous commander de nous trouver en l’assemblée des notables, et qu’elle nous a permis de donner nos libres avis sur les propositions qui nous ont été faites de votre part ; même d’y en ajouter de nouvelles, pourvu qu’elles fussent convenables et utiles au bien de son État, nous estimerions grandement manquer à notre devoir, si, après avoir rendu très-humbles grâces à Votre Majesté du choix qu’elle a daigné faire de nos personnes, nous ne faisions quelques ouvertures pour le rétablissement de la noblesse, comme l’appui le plus assuré de la grandeur de votre État, l’outil le plus propre à l’accroissement d’icelui et à l’affermissement de votre couronne ; et quoique nous n’ayons point de charges du reste de la noblesse de France, si est-ce que nous croyons en être bien avoués, quand elle saura que nous aurons supplié très-humblement Votre Majesté d’avoir pitié de la misérable condition où elle se voit maintenant réduite, et qui sans doute augmenterait de jour en jour, s’il n’y était promptement remédié par les grâces, ordres et règlements qu’ils doivent attendre de la seule bonté et magnanimité de Votre Majesté.

« Nous laisserons, Sire, aux historiens à déduire les diverses sources de la noblesse de ce royaume, l’ancienneté de la vraie, et qui procède du sang, les dignités et les priviléges dont elle jouissait anciennement, les services qu’elle a rendus aux rois vos prédécesseurs. Et si le feu roi votre père, d’immortelle mémoire, se pouvait faire entendre du