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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

afin qu’on ne pût apprendre par l’épargne les recettes qui s’étaient faites dans les généralités, ni pareillement juger des dépenses, quoique l’épargne soit la source d’où doivent sortir les moyens de les faire. De là vient que, quand le compte de l’épargne est demeuré, ceux des généralités demeurent aussi accrochés, semblables à un peloton de fil mêlé, duquel vous ne pouvez tirer un bout que vous ne serriez davantage les autres ; et ce, d’autant que les trésoriers de l’épargne ont pouvoir de faire recette et dépense, de leur autorité, jusqu’à la clôture de leur compte, qui ne peut être fini que quand il leur plaît.

« Le moyen d’éviter ce désordre est que le surintendant compte avec eux de jour à autre, ou du moins toutes les semaines, et pourtant se trouvera bien empêché avec cette vigilance de pénétrer dans le fond de leur maniement. Je n’aurai pas peu d’affaire étant à présent en charge de voir les comptes de dix trésoriers de l’épargne, ayant tous la même autorité que celui qui est en exercice, et en même temps compter avec cent et tant de receveurs généraux, plus de six cent vingt fermiers et autant de traitants qui ont dû porter leur recette à l’épargne pendant les cinq années dont ils n’ont encore entièrement compté. Combien de comptes de diverses natures de deniers doivent rendre les trésoriers des parties casuelles ! tous ceux qui ont agi par commission aux reventes du domaine, qui en ont reçu les deniers par les quittances de l’épargne, desquels ils n’ont point encore rapporté les ampliations, ce qui empêche l’épargne d’en faire sa recette assurée !

« Or, s’il y a tant de difficulté à reconnaître la vérité en la plus facile fonction des finances, qui est la recette, comment pourra-t-on pénétrer jusqu’au fond de la dépense, pour voir si elle est vraie ou fausse, après qu’elle a passé par tant de mains différentes, tant de divers sujets et sous l’autorité de plusieurs ordonnateurs, desquels aucuns ne sont plus en charge, et les autres disent qu’ils ne sont obligés de rendre compte de leur gestion qu’au roi.

« Ainsi, par ces difficultés, l’on ne saurait apprendre le menu des sommes qui sont entrées pendant ces cinq années dans la chambre aux deniers ; et l’épargne rapportant la quittance du trésorier d’icelle chambre à sa décharge, il n’y a lieu de contester. Il en est de même de l’écurie, de l’argenterie, des menus, de la chambre du trésorier de la maison, de ceux des reines et de Monsieur, et généralement de tous les comptables des maisons.

« Quant aux pensions, gratifications et entretenements donnés pendant ces cinq années, pour savoir à quelles sommes elles se montent, il ne faut que les quittances des parties prenantes pour en être éclairci.

« Pour la guerre, la plupart des officiers nous en ont caché le menu, et n’en pouvons avoir aucune lumière ; témoin la dépense de la marine faite en 1622, qui monte à un million d’or : le même se trouvera des autres années, et, pour mieux couvrir leur jeu, ils disent que c’est du fait de l’amiral, qui en a usé ainsi qu’il lui a semblé ! Autant se peut dire de l’artillerie, qui porte le tiers de la dépense de la guerre ; et quand on demande aux officiers l’emploi des deniers qu’ils ont reçu de l’épargne, ils rejettent tout sur le grand maître.

« De même est-il de l’ordinaire de la guerre, la dépense de laquelle n’est connue que par le connétable et le secrétaire d’État qui en a le département.

« Quant à l’extraordinaire, pour en vérifier au vrai la dépense, il est besoin de faire compter dix trésoriers qui ont exercé pendant les cinq années, tant deçà que delà des monts ; et y a tel d’entre eux par les mains duquel ont passé plus de 12 millions de livres en son année, dont les dépenses se sont faites en divers endroits de ce royaume, en Italie, en la Valteline et ailleurs.

« En cet état extraordinaire de la guerre, je n’y comprends point les Suisses, parce qu’ils sont payés par les trésoriers des ligues, qui manient les deniers qui leur sont envoyés, et se distribuent suivant l’état qu’en fait l’ambassadeur.

« Ce n’est pas que je veuille condamner l’autorité de ces ordonnateurs, quoiqu’ils aient formé, tant qu’ils ont pu, des nuages épais pour rejeter aux yeux de ceux qui désirent voir jour en leurs affaires ; et pour ces considérations, le roi, usant de sa prudence accoutumée, a jugé bon de supprimer la charge de connétable et celle d’amiral, parce qu’il n’eût été possible, ces deux charges demeurant dans leur entier, de faire aucun règlement parmi les gens de guerre, de terre ou de mer ; étant véritable qu’on fait plus à présent pour un million de livres qu’on ne pourrait faire pour six millions, ces charges subsistant en leur première autorité.

« De l’abus de ces puissances sont arrivés ces désordres qui ont tellement mis en arrière les affaires de Sa Majesté, qu’elles en sont comme abandonnées, et ne sait-on comment reconnaître ceux auxquels il est dû, ni de qui on doit recevoir l’argent pour les payer ; chaque receveur alléguant avoir fourni ce qu’il devait longtemps avant le terme échu, par des avances ou des prêts, et pourtant personne ne se trouve satisfait.

« Si l’on s’adresse à ceux qui sont en exercice en l’année 1626, ils disent avoir fourni à l’épargne ce qu’ils doivent dès l’année 1625, d’autres en 1624, et s’en trouve qui disent avoir payé en 1622 et 1623 ; que si, pour vérifier leurs acquits, l’on se veut régler sur les états par estimation, vous les trouverez ne monter qu’à vingt ou vingt-deux millions, et par les états au vrai ils se mon-