Page:Archives israelites 1851 tome12.djvu/80

Cette page n’a pas encore été corrigée

usage, toucher leur obole de la dîme qui, comme nous l'avons vu, leur fut scrupuleusement distribuée. Généreuse coutume qui s’est maintenue parmi nous à travers les siècles et qu’observent surtout religieusement les israélites de la campagne ! Là, le plus humble de nos coreligionnaires ne recevrait-il en dot quel cinq fois la somme de cent francs, soyez certain que le dixième de ce modeste patrimoine passera entre les mains des frères nécessiteux.

Je me tenais debout dans un coin de la cour, profondément touché de cette pieuse distribution de la dîme, quand tout à coup je vis passer devant moi, fendant la presse, gravite de commande sur le visage, une dizaine de commères se dirigeant dans l'interieur de la maison; leur costume seul, composé d’un bonnet d’or et sans barbes, d‘une jupe de brocart sur laquelle venait retomber une camisole de soie jaune à pattes, d’un tablier d’incarnat et de souliers pointus en maroquin rouge, ce costume seul me fit juger que j’avais devant moi les doyennes du lieu, sans doute fort au courant des us et coutumes du pays les jours de solennité. J’avais comme le pressentiment qu’elles allaient présider à quelque antique cérémonie, et en ma qualité de dillettanti de ces sortes de spectacles je me glissai derrière elles dans une petite pièce attenante à la salle d’habitation. Mes souvenirs s’éclaircissant peu à peu, il m’était avis qu’il allait se passer là une scène qui n’admettait pas la présence d’un homme. Cela excita d’autant plus mon désir d’y assister incognito. Je me blottis donc furtivement derrière la porte en me masquant de mon mieux d’un vieux paravent troué, placd par hasard devant moi. Grâces à ce rempart transparent je pus tout voir sans étre vu. Au milieu de la pièce etait assise la fiancée émue et pâle. Ses beaux cheveux noirs de jeune fille retombaient en très-belles boucles sur ses épaules, pour la dernière fois, hélas ! Près d’elle et autour d’elle chuchottaient gravement un grand nombre de femmes qui semblaient attendre depuis quelque temps. À l’entree de nos matrones, tout le monde se leva. Elles traversèrent la salle avec autorité, s’approchèrent de la fiancée et par la donnèrent le signal. Aussitôt l'assemblée féminine, avec toute la ferveur que l’on met à accomplir un acte religieux, d'entourer la