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C’est aussi l’opinion de M. Adolphe Pictet, si bien exprimée dans les lignes qui suivent.

« L’humanité et la nature sont sœurs ; filles d’un même principe, elle se mêlent sans cesse par une transformation mutuelle, et l’homme d’aujourd’hui, en rentrant par la mort dans les cinq éléments, peut renaître demain plante ou animal. De là, d’une part, cet esprit de douceur, de bienveillance, de commisération envers les êtres naturels qui caractérise à un si haut degré l’esprit indien, et, de l’autre, ce penchant à la sentimentalité contemplative qui jette une teinte de mélancolie sur la nature entière[1]. »

Nos contes bretons présentent des rapports nombreux et étonnants parfois avec les contes irlandais, allemands et surtout les contes slaves que nous connaissons par le recueil de M. Alexandre Chodzko, Contes des paysans et des pâtres slaves. Comment expliquer ces ressemblances qui, certainement, ne sont pas fortuites ? Quelques critiques ont essayé de les expliquer en disant que l’imagination humaine, comme tout le reste, a aussi ses limites, qu’elle se meut dans un certain cercle et que dès lors il ne doit pas paraître si étonnant de rencontrer souvent les mêmes fables, les mêmes ressorts, les mêmes aventures et les mêmes héros chez des peuples que séparent quelquefois de très-grandes distances et qui paraissent avoir toujours été parfaitement étrangers les uns aux autres.

Cette explication, qui peut être vraie en certains cas et jusqu’à un certain point, ne me paraît pas suffisante. Pour moi, je pense que beaucoup de ces traditions orales, venues jusqu’à nous de génération en génération et sans le secours de l’écriture, faisaient partie d’un fonds commun que tous les peuples d’origine celtique emportèrent, à des époques différentes, de l’Asie, dans les diverses parties de l’Europe où ils s’établirent successivement. Les rapports qui existent entre les contes des Bretons-Armoricains et ceux des différents peuples slaves sont si nombreux et de telle nature, que je ne puis mieux définir les premiers qu’en reproduisant les lignes suivantes que M. Alexandre Chodzko consacre aux seconds :

« Les conteurs slaves racontent monts et merveilles des chars aériens, des chevaux à la crinière d’or, des magiciens et des magi-

  1. M. Adolphe Pictet, Étude sur l’épopée indienne. (Revue de Paris, 1er août 1856.)