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quelques-uns de blessez et bien peu ou point de tuez.

Les ducs de Guyse et d’Aumale, quelque semblant qu’ils fissent, s’y déportèrent assez doucement, et comme si leur cholère fust appaisée après la mort de l’amiral, ils sauvèrent à beaucoup la vie, mesme en leur maison de Guyse, où le seigneur d’Acier et quelques autres huguenots se retirèrent à sauveté, tellement qu’à leur retour de la poursuyte, et quelques jours après, le Roy leur en fit mauvais visage, croyant que ceux qui estoyent reschappez n’estoyent sauvez que par leur faute.

Tout ce jour de dimanche 24 d’aoust fut employé à tuer, violer et saccager, de sorte qu’on croit que le nombre des tuez ce jour-là dans Paris et ses fauxbourgs surpasse dix mille personnes, tant seigneurs, gentils-hommes, présidens, conseillers, advocats, escoliers, médecins, procureurs, marchands, artisans, femmes, filles, qu’enfans et prescheurs. Les rues estoyent couvertes de corps morts, la rivière teincte en sang, les portes et entrées du palais du Roy peinctes de mesme couleur ; mais les tueurs n’estoyent pas encore saoulez.

Le Roy, la Royne sa mère, et messieurs ses frères, et les dames, sortirent sur le soir pourvoir les morts l’un après l’autre ; entre autres, la Royne mère voulut voir le seigneur de Soubize, pour sçavoir à quoy il tenoit qu’il fust impuissant d’habiter avec sa femme.

Vers les cinq heures après midy de ce dimanche, il fut fait un ban avec les trompettes, de par le Roy, que chacun eust à se retirer dans les maisons, et que ceux qui y estoyent n’eussent à en sortir hors ; ains fust seulement loisible aux soldats de la garde et aux commissaires de Paris, avec leurs trouppes, d’aller par la ville armez, sur peine de grief chastiement à qui feroit au contraire.

Plusieurs, ayans ouy ce ban, pensoyent que l’affaire se