Page:Arbouville - Poésies et Nouvelles, III, 1855.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
419
RÉSIGNATION.

restait seul. Elle lui fit prendre le deuil sans qu’il parût s’en apercevoir ; mais le deuxième jour après la mort de la pauvre aveugle, quand on eut enlevé le fauteuil où elle était restée assise tant d’années près de son vieux mari, le vieillard se tourna vers la place vide et cria : « Ma femme ! » Ursule lui parla, essaya de le distraire, il répéta : « Ma femme ! » et deux larmes roulèrent sur ses joues. Le soir on lui porta sa nourriture ; mais il détourna la tête et d’une voix triste, les yeux fixés sur la place vide, il dit encore : « Ma femme ! »

Ursule, au désespoir, essaya tout ce que sa douleur et sa tendresse purent lui suggérer… le vieillard idiot resta penché vers l’endroit où était le fauteuil de l’aveugle, et, refusant toute nourriture, les mains jointes, il regardait Ursule en répétant, comme un enfant qui supplie pour obtenir ce qu’il désire : « Ma femme ! »

Un mois après, il se mourait.

À ses derniers instants, quand le prêtre appelé près de lui essaya de le faire penser à Dieu, son