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RÉSIGNATION.

vention, ni événement. Mais il y a des cœurs qui ont un peu souffert, beaucoup rêvé, et qui sont aptes à une facile tristesse ; qu’en passant ils entrevoient une souffrance, ou qu’un son qui ressemble à un soupir frappe leur oreille, ils s’arrêtent, écoutent et plaignent. À eux je puis parler presque au hasard, et raconter une histoire, simple comme tout ce qui est vrai, touchante comme tout ce qui est simple.

Il y a dans le nord de la France, près de la frontière belge, une toute petite ville obscure, ignorée. Les éventualités de la guerre l’ont fait entourer de hautes fortifications, qui semblent écraser les chétives maisons qui se trouvent au centre. La pauvre ville, étreinte par un réseau de murs, n’a pu, depuis lors, laisser égarer une seule maisonnette sur la pelouse qui l’entoure. Sa population augmentant, elle a diminué ses places, entravé ses rues ; elle a sacrifié l’espace, la régularité, le bien-être. Les maisons, ainsi entassées les unes auprès des autres, et étouffées par les murs d’enceinte, n’offrent aux regards, d’un peu loin, que l’aspect d’une grande prison.