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me tonsurer ; Fiacc voudra me venir en aide et s’offrira lui-même pour être tonsuré à ma place, car il m’aime beaucoup. » Patrice suivit le conseil de Dubthach. « La tonsure, » s’écria Fiacc, « sera pour Dubthach une flétrissure aux yeux de la multitude. Pourquoi ne me prendrait-on pas à sa place ? » — « On te prendra, » dit Patrice. Aussitôt Patrice le tonsure, le baptise, lui écrit un alphabet latin. On prétend qu’au bout d’un jour Fiacc était en état de lire les psaumes. C’est, à la rigueur, possible, puisque Fiacc devait connaître l’alphabet ogamique et que, sauf la forme des lettres, l’alphabet ogamique est identique à l’alphabet latin. Enfin Patrice le sacra évêque. Fiacc fut le premier évêque de Leinster. Patrice lui donna un reliquaire, une cloche, une église, une crosse, un livre et sept des clercs qui l’avaient accompagné jusque-là[1] : c’est ainsi que le nouveau pontife fut installé. Avant d’être évêque, il avait chanté un bairtne pour les rois.

L’Irlande ancienne connaît donc les poésies bardiques : bairtne.

Le mot bard, d’où bairtne dérive, apparaît aussi dans la littérature irlandaise. Ainsi le Livre de Leinster contient un poème lyrique, probablement du onzième siècle, et qu’à grand tort on attribue au célèbre Dubthach, contemporain de saint Patrice. Dans

  1. Dans ce récit, nous avons fondu le § 11 des notes irlandaises du livre d’Armagh, ms. du neuvième siècle, chez Whittey Stokes, Goidelica, 2e éd., p. 86-87, 91, avec l’extrait de la vie irlandaise de saint Patrice, ibidem, p. 87, note 17.