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Depuis cette époque, combien l’aspect de l’Europe a changé ! Suivant la légende romaine, un Gaulois, enivré par l’orgueil du triomphe, laissa un jour échapper une exclamation cruelle : « Malheur aux vaincus ! » Si cette dure parole a été dite alors, elle a été plus tard bien rigoureusement expiée. Après avoir eu longtemps la victoire pour compagne inséparable, le Celte vaincu à son tour, l’a vue devenir l’opiniâtre associée de ses ennemis ; le malheur s’est sans relâche acharné sur lui, et les désastres succédant aux désastres ont été presque sa seule histoire.

Aujourd’hui la langue gauloise a disparu de tous les pays où nous venons de la montrer dominante ; les langues néo-latines, germaniques et slaves l’ont supplantée partout, sauf dans les petites parties de la France et des îles Britanniques où les langues néo-celtiques vivent encore. Elles vivent, mais dans une situation subordonnée : en France, sous la domination d’une langue néo-latine, et dans les îles Britanniques, sous la domination d’une langue germanique. Dans nos départements bretons, le français, langue des châteaux comme des villes, a relégué le breton dans les granges, les cuisines, les fermes et les chaumières. En Irlande, la langue nationale fait peu à peu partout place à l’anglais ; l’anglais, son rival heureux, l’a supplanté même dans les harangues les plus fougueuses des plus ardents ennemis de l’Angleterre.

Cette déchéance des langues celtiques a eu pour