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V

ÎLES SANDWICH.

Le colonel Brark et moi. — Un homme à ma mer. — Mort de Cook.

Encore une explication indispensable peut-être, quoique j’aie refusé Jusqu’à présent de la croire nécessaire. Il m’a été dit que quelques lecteurs, irrités sans doute de mes allures de franchise dans le récit de tant de faits où j’ai figuré comme héros ou comme spectateur, se sont malicieusement demandé s’il était bien probable que j’eusse pu si fidèlement retenir jusqu’à ce jour les minutieux détails qui devraient pourtant corroborer à leurs yeux la vérité de mes relations. Du doute à l’incrédulité absolue il n’y a qu’un pas ; eh bien ! ce pas, je ne veux point qu’on le fasse, et, puisqu’on exige encore des noms propres, en voici. Au surplus, la chose est assez curieuse en elle-même, et cette anecdote n’est pas la moins singulière de mon livre.

Eh, bon Dieu ! si je vous disais les mille et mille incidents fantastiques dont ma vie a été traversée, si vous aviez pu me suivre depuis ma sortie du collège jusqu’au moment où j’écris ces lignes, vous vous seriez convaincus, vous dont les jours se succèdent calmes et réguliers, que peu d’existences ont été plus rigoureusement heurtées que la mienne, et que ce que d’autres nomment un accident, un malheur, je l’appelle, moi, une habitude, presque une nécessité.

Or, écoutez :