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III

EN MER.

En Aumônière. — M. de Quélen.

Je vous ai parlé du bord ; Je vous ai dit les noms de presque tous les officiers de la corvette ; j’ai payé aux jeunes et intelligents élèves de marine, souvent chargés des opérations les plus difficiles dans notre longue campagne, le juste tribut d’éloges qui leur était dû ; je vous ai présenté nos maîtres si intrépides, si expérimentés, et cet ardent équipage de l’Uranie, que nulle tempête ne pouvait émouvoir, que nulle catastrophe n’a pu abattre.

Pour me servir d’escorte, souvent d’appui, dans mes courses aventureuses, j’ai choisi deux matelots dévoués que certainement vous aimez déjà un peu, car ils ont beaucoup souffert et vivement combattu contre l’adversité.

Eh bien ! je ne vous ai pas tout dit encore ; il me reste une lacune à remplir. Non pas que je veuille avoir raison sans conteste ; mais il est dans le monde certaines différences, certaines oppositions qui semblent des contre-sens et qui blessent même avant qu’on en ait cherché la raison.

Vous savez ce que c’est qu’un homme de mer, et vous comprenez que sa vie, à lui, est une lutte permanente contre tous les éléments. Quelques pouces de bois qu’une roche sous-marine peut ouvrir, un édifice qu’une seule lame de l’Océan courroucé peut chavirer, le séparent du