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XXXI

EN MER

Des langues. — Comment se sont peuplés les archipels. — L’équipage.

Ce fut une grande et noble pensée que celle de l’homme qui osa chercher la solution du problème dont le résultat était de réduire toutes les langues européennes en une seule. Mais Henri IV avait rêvé une chose impossible. L’Europe était trop peuplée ; le caractère des nations trop distinct, trop tranché ; toutes avaient trop d’orgueil national pour faire volontiers le sacrifice qu’on avait exigé d’elles au profit d’une seule, quoiqu’on réalité le bénéfice eût été pour toutes. Mais ce que l’on eût essayé sans efficacité dans le monde civilisé aurait pu, je crois, s’entreprendre, avec apparence de raison, parmi les peuplades qui parcourent l’intérieur des vastes continents, et au milieu des archipels de toutes les mers, surtout si, en pénétrant chez elles, on s’était fait précéder par des bienfaits plutôt que par des menaces. La bienveillance est la plus sûre des persuasions. Aujourd’hui toute tentative serait infructueuse ; les besoins ont grandi les vocabulaires ; il faudrait trop désapprendre pour se régénérer ; il y a déjà trop de rivalités, trop de haines entre les indigènes voisins, pour que ni les uns ni les autres consentissent jamais à s’effacer. Vous voyez que la civilisation apporte parfois des obstacles avec elle.

Comme je veux que le livre que j’écris ne soit pas une distraction passagère ; comme j’espère, avant tout, qu’il sera de quelque utilité aux explorateurs, je compte publier à la fin de mon dernier volume un voca-