Page:Arago - Souvenirs d’un aveugle, nouv. éd.1840, t.2.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XVII

ÎLES SANDWICH

Wahoo. — Marchais et Petit. — Commerce. — Pêche de Liahi. — Bonne foi des naturels. — Coup d’œil général. — Encore Marini.

Depuis plusieurs jours. Marchais était consigné à bord ; je ne me rappelle plus pour quelle faute ; mais je parierais encore aujourd’hui beaucoup contre peu que c’était pour avoir aplati un ou deux de ses meilleurs camarades. Bref, le brave matelot n’était pas descendu à terre, et comme le liquide était fort rare sur la corvette, comme nous avions encore d’immenses traversées à faire avant de pouvoir nous en procurer, et que la pauvreté, qui rend égoïste presque autant que l’opulence, faisait garder à chacun sa faible ration de vin et d’eau-de-vie, il s’ensuivait que l’intrépide Marchais n’avait pu encore, depuis notre arrivée, oublier une seule fois dans l’orgie ses longues fatigues et ses pénibles travaux de chaque jour. Petit, seul dans l’équipage, donnait parfois sa part à celui qu’il aimait tant, et Marchais ne l’acceptait que parce qu’il savait à merveille qu’il était en mesure de rendre tôt ou tard à son généreux ami, en coups de poings, ce que celui-ci lui avançait en boisson.

Mais, hélas ! les rations étaient si mesquines, et la langue pavée de lave des deux vauriens était si peu sensible à la saveur du petit verre, que mieux eût valu souvent qu’on ne vînt pas, à l’aide d’un pareil appât.