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VIII

ÎLES SANDWICH.

Contrastes. — Bizarreries. — Mœurs.

Il n’y a peut-être pas de pays au monde plus curieux à observer que celui-ci : il n’y en a pas qui offre à un égal degré plus de rapports avec le naturel des hommes qui l’habitent. C’est une étude fort sérieuse à faire, je vous assure ; et parmi tant d’êtres qui passent devant vous, vous ne trouverez pas deux exceptions pour démentir la règle générale.

Un soleil pénétrant projette ses rayons verticaux sur tout l’archipel ; la végétation la plus mâle lutte sans cesse contre les irritations d’un sol bitumineux qui veut tout envahir, qui tend à s’emparer de tout : point de fleuves qui le traversent, point de lacs qui le rafraîchissent ; partout la lave menaçante, partout des cratères, et dans quelques endroits une stérilité telle, que la presqu’île Perron elle-même serait un séjour de délices.

Voyez, voyez cet immense Mowna-Laé, qui évidemment est le troisième fils d’une éruption volcanique, et dont la base, au bord de la mer, n’est si large que parce qu’il n’a pas eu la force de faire reculer le Mowna-Kak et le Mowna-Roa, ses terribles et inébranlables voisins.

Depuis combien de siècles ces masses imposantes sont-elles sorties des profondeurs de l’Océan ? Ont-elles grandi petit à petit, comme ces gigantesques végétaux africains auquel il faut cinq ou six cents ans pour monter d’un demi-pied, ou est-ce tout à coup, dans une de ces effrayantes