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que certaine, car il ne faut pas le confondre avec Jacques et Philippe Lansberg, astronomes hollandais, qui vivaient dans le même temps. Le succès prodigieux de cet almanach de Liége ou de Mathieu Laensberg a surtout tenu aux prédictions qui y sont insérées. Lorsqu’on spécule sur la crédulité humaine, on est toujours sûr de réussir ; les prédictions ont beau être démenties, le public n’en continue pas moins à consulter le fameux almanach. La Fontaine l’a dit :

L’homme est de glace aux vérités,
Il est de feu pour le mensonge
[1].


Lagrange m’a raconté, à ce sujet, un fait qui mérite d’être conservé.


    vant d’une de ses préfaces, cité par le père Niceron : « Prédire serait legierté à moy, dit-il, comme à vous simplesse d’y ajouter foy. En est encore, depuis la création d’Adam, nul homme qui en aye traicté ou baillé chouse à quoi l’on doit acquiescer et arrêter en assurance. »

  1. Des personnes infatuées des prédictions gratuites que les almanachs renferment ont prétendu avoir bon marché de mon scepticisme en me disant : Est-ce que tous les ans quelques-unes de ces prédictions ne se réalisent pas ? Oui, sans doute, ai-je répondu, mais ne voyez-vous pas que la faculté de prédire toujours le faux serait aussi précieuse que la faculté de prédire toujours le vrai, puisque l’un est la contre-partie de l’autre ? D’ailleurs, en fait de prédictions astrologiques ou de proverbes, la mémoire reste frappée d’un cas sur cent dans lequel prédictions ou proverbes se réalisent, et on laisse passer inaperçus les quatre-vingt-dix-neuf autres cas. La situation des personnages sur lesquels portent les prédictions joue aussi un rôle très-important. Ainsi, dans l’Almanach pour 1774, Mathieu Laensberg annonça qu’une dame des plus favorisées jouerait son dernier rôle dans le mois d’avril. Le mois d’avril est précisément celui où Louis XV fut atteint de la petite vérole, et Mme Dubarry expulsée de Versailles. Il n’en fallut pas davantage pour donner à l’almanach de Liége un redoublement de faveur.