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CHAPITRE XIII
sur la lune rousse

Les agriculteurs croient généralement que la lune, dans certains mois, exerce une grande influence sur les phénomènes de la végétation. Ne s’est-on pas trop hâté de ranger cette opinion parmi les préjugés populaires qui ne méritent aucun examen ? Le lecteur va en juger.

Les jardiniers donnent le nom de Lune rousse à la Lune qui, commençant en avril, devient pleine, soit à la fin de ce mois, soit plus ordinairement dans le courant de mai. Suivant eux, les jeunes feuilles, les bourgeons qui sont exposés à la lumière de la Lune, dans les mois d’avril et de mai, roussissent, c’est-à-dire se gèlent, quoique le thermomètre se maintienne dans l’atmosphère à plusieurs degrés au-dessus de zéro. Ils ajoutent encore qu’il suffit, dans des circonstances de températures d’ailleurs toutes pareilles, que des nuages ou même des écrans artificiels arrêtent les rayons de l’astre et les empêchent d’arriver jusqu’aux plantes, pour que les bourgeons demeurent parfaitement intacts.

Ces phénomènes, au premier coup d’œil, sembleraient indiquer que la lumière de notre satellite est douée d’une vertu frigorifique sensible, et telle était, en effet, la conséquence qu’on en avait déduite ; mais hâtons-nous d’ajouter que cette lumière concentrée au foyer des plus larges réflecteurs ou des plus grandes lentilles, sur la boule d’un thermomètre assez délicat pour accuser les centièmes de degré, n’occasionna pas le moindre mouvement