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sité, et tout ce qu’elle a fait depuis quarante ans ne servira qu’à fournir à ses ennemis de quoi achever de la perdre. Que dira-t-on de nous présentement ? Quelle réputation aurons-nous dans les pays étrangers, et à quel mépris n’allons-nous pas être exposés ? Est-on assez peu instruit dans les conseils du roi pour ne pas savoir que les États se maintiennent plus par la réputation que par la force ? Si nous la perdons une fois, cette réputation, nous allons devenir l’objet du mépris de nos voisins, comme nous sommes celui de leur aversion. On va nous marcher sur le ventre, et nous n’oserons souffler. Voyez où nous en sommes. Je vous pose en fait qu’il n’y aura pas un petit prince dans l’empire qui, d’ici en avant, ne se veuille mesurer avec le roi, qui, de son côté, peut s’attendre que la paix ne durera qu’autant de temps que ses ennemis en emploieront à se mettre en état, après qu’ils auront fait la paix avec le Turc. (Je crois utile de rappeler que la lettre dont je donne un extrait est de 1696)… De la manière enfin qu’on nous promet la paix générale, je la tiens plus infâme que celle du Cateau-Cambresis qui déshonora Henri II… Si nous avions perdu cinq ou six batailles l’une sur l’autre, et une grande partie de notre pays ; que l’État fût dans un péril évident à n’en pouvoir relever sans une paix, on y trouverait encore à redire en la faisant comme nous la voulons faire. »

Cette éloquence mâle, patriotique, détrompera entièrement les détracteurs de la vieillesse de Vauban. Sans cela, j’ouvrirais encore la vie du grand homme de guerre, et je le verrais en 1701 en 1702, refuser le grade de maréchal de France. Il représentait au roi, dit son histo-