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LES FORTIFICATIONS.

Je n’oserai pas dire qu’il ait été très-opportun de donner une grande publicité à cette opinion ; mais le fait est réel : tous nos ports peuvent être envahis par l’ennemi depuis l’emploi des bateaux à vapeur.

Les personnes qui se rassurent sur ce danger, d’après la supposition que la machine du bateau serait bientôt détruite à coups de canon, n’ont pas réfléchi que le remorquage en mer peut se faire tout autrement qu’en rivière. Les matelots, qu’on me passe l’expression, disent que les navires se remorquent en se donnant le bras. Ainsi un bâtiment flottant, un vaisseau débarrassé de ses mâts et gardant toutes ses batteries de canons, pourrait être amené dans la rade du Havre par un remorqueur à vapeur dont ce vaisseau serait le rempart, le bouclier ; le vaisseau garantirait le bateau de l’action de l’artillerie de la place.

Il ne faut pas croire que les fronts bastionnés actuels effraieraient deux ou trois vaisseaux de ligne. Qu’on se détrompe, en considérant ce qui se passa lorsque notre escadre pénétra dans le Tage : les forts qui bordent ce fleuve avaient une réputation extraordinaire. M. l’amiral Roussin croyait lui-même qu’il ne lui servit pas possible, dans une seule marée, d’aller de l’embouchure à Lisbonne. Eh bien, ces forts tant célébrés tirèrent à peine quelques coups de canon contre l’escadre ; lorsque deux vaisseaux, présentant le flanc à un de ces forts, lui avaient tiré quelques centaines de coups de canon à la fois, tout était fini. Les descendants d’Albuquerque et de Vasco de Gama abandonnaient la place ; ils reconnaissaient l’impossibilité de lutter contre cette grêle de bou-