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tous les rangs, de toutes les fortunes, de toutes les opinions, dans toutes les classes de la société. Ceux-ci, il est vrai, se préoccupent en première ligne du parti déplorable que l’ennemi pourrait tirer de l’artillerie des forts, tandis que ceux-là, voyant surtout cette formidable artillerie au pouvoir de quelque faction implacable, calculent avec effroi les ravages qu’elle porterait dans les divers quartiers de ta capitale. D’autres considèrent tes citadelles comme devant amener, dans un avenir plus ou moins éloigné, la ruine de nos libertés, l’abâtardissement de nos institutions vitales. Je tiens à montrer que ces idées ont germé dans les esprits les plus éminents, et qu’on les a manifestées ailleurs que sur les bancs de l’extrême gauche de la chambre des députés. Voici deux citations empruntées à MM. de Chateaubriand et de Lamartine.

« Nous ne savons, disait M. de Chateaubriand en 1840, si, dans le projet d’entourer Paris de forts détachés, il n’est pas entré quelque prévision des périls auxquels nous sommes exposés ; mais le remède serait pire que le mal : quelques forts étant pris, ils serviraient de point d’appui à l’invasion étrangère ; aucun accident n’arrivant, ces forts deviendraient les camps retranchés des prétoriens. »

M. de Lamartine n’a pas été moins explicite. Lisez ce passage : « Les fortifications, telles qu’on les développe, sont à mes yeux la plus flagrante réaction contre la révolution française qui ait jamais été risquée et qui ait jamais réussi contre elle : réaction cent fois plus antipathique à l’esprit de cette révolution qu’un 18 bru-