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der les villes, à canonner les monuments, a confondre dans une répression sanglante et barbare les innocents avec les coupables. Ces paroles étaient assurément empreintes de magnifiques sentiments d’humanité et de l’amour des beaux-arts ; cependant elles ne me séduisirent pas. Je me souvenais, en effet, que le gouvernement de l’empereur Nicolas n’hésita pas à faire canonner à outrance sa bonne ville de Varsovie ; que sous le seul gouvernement du roi de Hollande, Bruxelles, alors partie intégrante du royaume des Pays-Bas, fut sillonné en tous sens par des boulets et des obus ; que la crainte d’incendier les plus bettes peintures, les chefs-d’œuvre de Rubens, n’arrêta pas le général Chassé, lorsque son gouvernement lui eut ordonné de bombarder Anvers ; enfin, personne n’ignore aujourd’hui que les canons, les obusiers, les mortiers de Montjouich, fort détaché de Barcelone, ont tonné à plusieurs reprises sur cette malheureuse ville. Veut-on des exemples empruntés à notre propre histoire ? je rappellerai qu’en 1793, les canonniers de Kellermann, de Dubois-Crancé, tirèrent nuit et jour, pendant plusieurs semaines, sur la ville de Lyon, au risque d’atteindre les républicains de l’intérieur tout aussi bien que les royalistes, et sans s’occuper, le moins du monde, des dégâts qu’ils pourraient faire à l’antique cathédrale ou aux somptueux édifices de la place Bellecour. S’il le faut, je dirai encore que, dans une des dernières insurrections de la population lyonnaise, l’artillerie d’un des forts détachés, l’artillerie du fort Montessuy tirait sur la ville, particulièrement sur le collége, et que les batteries établies sur la rive droite du Rhône canon-