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quels accidents épouvantables des incertitudes de cette nature ne peuvent-elles pas conduire ? Eh bien, les bâtiments de l’État naviguent presque tous par cette méthode défectueuse de l’estime ; ils ne se servent que de la boussole et du loch.

Je viens de parler du voyage du capitaine Marchand ; on me répondra sans doute qu’à cette époque les méthodes nautiques n’étaient pas perfectionnées, et qu’il y a eu erreur dans les observations. Eh bien, je trouve dans les livraisons déjà publiées du voyage du capitaine Freycinet que, dans la Méditerranée, il a traversé des courants qui avaient une vitesse de quatorze lieues par jour ; que, dans l’océan Pacifique, il en a rencontré dont la marche correspondait à vingt-une, et môme à vingt-trois lieues dans le même intervalle.

Je vous le demande, Messieurs, n’êtes-vous pas effrayés des catastrophes que de telles erreurs doivent entraîner ? La conséquence n’est pas toujours un naufrage, sans être moins fâcheuse. Vous croyez être fort loin de la côte, vous manquez de profiter du vent qui devait vous faire entrer dans le port, et vous êtes obligé de l’attendre quinze jours.

On éviterait complètement ces erreurs, si les bâtiments étaient munis d’un chronomètre et des instruments à réflexion. Je prendrai un dernier exemple dans la marine anglaise pour épuiser la question. Un bâtiment, le Blossom destiné à une expédition scientifique, ayant à bord un officier du plus rare mérite, le capitaine Beckey, a fait, par l’estime, dans le passage de Ténériffe au Brésil, une erreur de quatre-vingt-une lieues. S’il n’avait pas