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les matériaux, la chaux, le moellon, le plâtre d’une manière effrayante.

Vous élèverez outre mesure le salaire des ouvriers ; si cet état de choses pouvait durer longtemps, je m’associerais à vos vues, car toutes mes plus vives sympathies, je le déclare franchement, sont pour la classe ouvrière ; mais au bout de trois ans, presque tous vos travaux cesseront, vous serez obligés de renvoyer de Paris une population factice que vous aurez créée inconsidérément.

Beaucoup d’ouvriers qui, aujourd’hui, ont abandonné l’état de maçon ou de tailleur de pierres, qui sont devenus tisserands, laboureurs, gardes champêtres, surveillants dans des usines, quitteront ces positions modestes, car la prévoyance n’est pas notre qualité distinctive ; ils viendront en foule à Paris, ne voyant que le bénéfice du moment. Eh bien, dans trois ans, ils n’auront plus d’occupation. Qu’en ferez-vous alors ? N’auront-ils pas le droit de dire que vous les avez trompés ? Je crois qu’il est utile, je crois qu’il est nécessaire, non de faire dix bâtiments sur-le-champ, mais de porter tous vos moyens, toutes vos forces, d’abord sur un monument, et après l’avoir achevé, sur un autre. C’est ainsi, je crois, que Napoléon gagnait des batailles. En l’imitant, vous vaincrez l’inertie, la persistance et les caprices des architectes. Cette marche, que j’approuve, peut très-bien se concilier avec la répartition des travaux sur plus de trois années.