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LE TONNERRE.

la corniche voisine du toit; à 50 mètres de hauteur, je la perdis de vue. »

§ 5.

M. Butti, peintre de marine de l’impératrice d’Autriche, m’a adressé de Trieste la communication suivante : « Dans l’année 1841, et, si ma mémoire ne me trompe, au mois de juin, j’étais à Milan, logé au second, dans l’hôtel de l’Agnello , dans une chambre qui donnait sur la Corsia dei Servi. C’était dans l’après-midi, vers six heures ; la pluie tombait à torrents, les éclairs illuminaient les pièces les plus sombres, mieux que ne fait le gaz chez nous. Le tonnerre éclatait de temps en temps avec un bruit épouvantable. Les fenêtres des maisons étaient fermées, la rue était déserte, car, comme j’ai dit, la pluie tombait à verse et la voie publique était convertie en un torrent. J’étais assis tranquillement, fumant mon cigare et regardant de loin par ma fenêtre ouverte la pluie qui, illuminée de temps en temps par le soleil, se dessinait en fils d’or, lorsque j’entendis dans la rue plusieurs voix d’enfants et d’hommes qui disaient : Guarda, guarda (regardez, regardez); et, en même temps, j’entendis le bruit de quelques souliers ferrés. Habitué depuis une demi-heure au silence humain, le bruit dont je parle éveilla mon attention ; je courus à la fenêtre, et tournant la tête du côté d’où venait le bruit, c’est-à-dire à droite, la première chose qui frappa mes yeux, fut un globe de feu qui marchait au milieu de la rue et au niveau de ma fenêtre, dans une direction non pas horizontale, mais sensiblement oblique.