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Cet habile physicien avait dressé à Turin, sur deux points du palais de Valentino fort éloignés l’un de l’autre, deux gros fils métalliques rigides, maintenus en place à l’aide de corps de certaines natures que les physiciens appellent corps isolants. Chacun de ces fils était peu éloigné d’un autre fil métallique ; mais celui-ci, au lieu d’être isolé, descendait le long du mur du bâtiment jusqu’au sol, où il s’enfonçait assez profondément. Le premier fil, comme on voit, était le paratonnerre ; le second, le conducteur. Eh bien, en temps d’orage, de vives étincelles, je pourrais dire des éclairs de la première espèce, jaillissaient sans cesse entre les fils isolés supérieurs et les fils inférieurs non isolés. L’œil et l’oreille suffisaient à peine à saisir les intermittences : l’œil n’apercevait aucune interruption dans la lumière ; l’oreille entendait un bruit à peu près continu.

Aucun physicien ne me démentira, quand je dirai que chaque étincelle prise isolément eût été douloureuse ; que la réunion de dix aurait suffi pour engourdir le bras ; que cent eussent peut-être constitué un coup foudroyant. Cent étincelles se manifestaient en moins de dix secondes ; ainsi, chaque dix secondes, il passait d’un fil au fil correspondant une quantité de matière fulminante capable de tuer un homme ; en une minute six fois autant ; en une heure soixante fois plus qu’en une minute. Par heure, chaque tige métallique du palais de Valentino arrachait donc aux nuées, en temps d’orage, une quantité de matière fulminante capable de tuer 360 hommes. Il y avait deux de ces tiges : le chiffre 360 doit donc être doublé ; nous voilà déjà au nombre 720. Mais le Valen-