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Pour déduire quelques conséquences importantes de la détermination de l’intervalle de temps qui sépare l’éclair du bruit de la foudre, nous n’avons pas eu besoin de savoir à quelle cause physique le tonnerre doit être attribué. Les recherches qui ont été faites pour découvrir cette cause n’en doivent pas moins être mentionnées ici, quoiqu’elles n’aient pas eu tout le succès désirable.


    foudre par un ciel sans nuages. Pline ne dit point si le tonnerre accompagna la foudre. Cette citation laisse donc la question tout entière.

    Suétone nous apprend « qu’après la mort de César, on vit, par un ciel pur et serein, un cercle semblable à l’arc-en-ciel entourer le disque du soleil, et la foudre frapper le monument de Julie, fille de César. »

    Nous savons aujourd’hui qu’aucun cercle semblable à l’arc-en-ciel, qu’aucun cercle, soit halo, soit simple couronne, ne se forme autour du soleil par un ciel pur et serein. L’historien aurait dû se contenter de dire que le phénomène arriva par un temps légèrement couvert. On aura d’ailleurs remarqué qu’il ne parle pas de tonnerre.

    L’événement raconté par Crescentius soulève le même doute. Cet auteur déclare bien qu’un jour, vers midi, par un ciel serein, près de l’île Procida, la foudre se précipita sur la galère à trois rangs de rames, la Sainte-Lucie, où dînait le cardinal d’Aragon ; qu’elle détruisit plusieurs parties du gréement, qu’elle tua trois forçats, qu’elle endommagea deux autres galères ; mais cette foudre fit-elle du bruit ? Je l’ignore. Les dégâts ne résultèrent-ils pas de la chute d’aérolithes ? Personne ne pourrait aujourd’hui répondre à cette question.

    On lit dans les Mémoires de Forbin, à la date de 1685 : « Le ciel étant fort serein (près du détroit de la Sonde), nous entendîmes un grand coup de tonnerre, semblable au bruit d’un canon tiré à boulet ; la foudre, qui sifflait horriblement, tomba dans la mer à deux cents pas du navire, et continua à siffler dans l’eau qu’elle fit bouillonner pendant un fort long espace de temps. »

    Toutes ces circonstances ressemblent trop bien à celles qui accompagnent la chute d’un gros aérolithe, pour qu’il ne soit pas naturel de croire que la détonation, le sifflement et le bouillonnement de la mer décrits par Forbin, dépendirent d’un de ces météores.