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découvre plus aucune trace dans les relations des navigateurs du milieu ou de la fin du XVIIe siècle. Peut-être, cependant, faut-il la regarder comme la source de cette autre opinion, passablement étrange aussi, qui faisait des feux Saint-Elme des objets matériels dont on pouvait aller se saisir au sommet des mâts pour les descendre sur le pont. Le passage que je vais emprunter aux Mémoires de Forbin, présentera ces idées dans toute leur naïveté, en même temps qu’il fera connaître les énormes dimensions que les feux Saint-Elme acquièrent quelquefois :

« Pendant la nuit (en 1696, par le travers des Baléares) , il se forma tout à coup un temps très-noir, accompagné d’éclairs et de tonnerres épouvantables. Dans la crainte d’une grande tourmente dont nous étions menacés, je fis serrer toutes les voiles. Nous vîmes sur le vaisseau plus de trente feux Sainte-Elme. Il y en avait un, entre autres, sur le haut de la girouette du grand mât qui avait plus d’un pied et demi (0m.50) de hauteur. J’envoyai un matelot pour le descendre. Quand cet homme fut en haut, il cria que ce feu faisait un bruit semblable à celui de la poudre qu’on allume après l’avoir mouillée. Je lui ordonnai d’enlever la girouette et de venir ; mais à peine l’eut-il ôtée de place, que le feu la quitta et alla se poser sur le bout du mât, sans qu’il fût possible de l’en retirer. Il y resta assez longtemps, jusqu’à ce qu’il se consuma peu à peu. » Si j’arrêtais mes citations ici, on aurait peut-être raison de s’imaginer que la cause des feux Saint-Elme avait anciennement plus d’activité que dans les temps modernes. Rapportons donc encore quelques faits, et nous verrons des aigrettes lumineuses naître, comme jadis en