Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.

point de n’avoir jamais voulu assister à une représentation de Pourceaugnac, que Molière avait fait naître à Limoges ; aussi, sa joie ne connut pas de bornes lorsque parut, sous le nom du Nouveau Pourceaugnac, un vaudeville de M. Scribe, dans lequel le personnage principal, M. de Roufignac, également Limousin, au lieu d’être mystifié, rend tous les autres acteurs les jouets de ses spirituelles mystifications.

On raconte que La Fontaine, à une certaine époque, abordait tous ses amis en leur disant « Avez-vous lu le Prophète Baruch ? Ainsi était Gay-Lussac ; il ne manquait jamais, pour peu que la circonstance l’y autorisât, de demander avec une candeur égale à celle du fabuliste : « Connaissez-vous le Nouveau Pourceaugnac ? c’est une pièce charmante ; je vous engage à l’aller voir. » Et je dois dire que lui, si ménager de son temps, prêchait d’exemple.

Un seul fait suffira pour montrer que Gay-Lussac s’abandonnait avec ardeur aux inspirations honnêtes de son âme, lorsqu’il fallait, à ses risques et périls, déjouer une intrigue ou défendre un ami. Nous étions à la seconde restauration. On avait, dit-on, décidé en haut lieu d’éloigner de l’École polytechnique un professeur que ses sentiments libéraux avaient rendu suspect[1]. Mais, comment opérer cette destitution sans soulever de nombreuses réclamations ? Le professeur était plein de zèle, considéré, et même, je dois le dire, aimé de tous les élèves : le cas était embarrassant ; lorsqu’on découvre que la personne

  1. M. Arago.