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apporta une grande gêne dans la situation pécuniaire de ce respectable père de famille. Cependant il ne perdit pas courage, et consacra la petite fortune de sa femme à l’éducation de ses trois filles, qu’il destinait aux honorables fonctions d’institutrices. Mais l’aînée de ces jeunes personnes, Joséphine, se rendant parfaitement compte du peu d’aisance de ses parents et des sacrifices qu’ils auraient à s’imposer avant d’atteindre leur but, voulut absolument être placée dans une maison de commerce à Paris, et attendre là que l’âge de ses sœurs et leur éducation permissent de réaliser l’espoir que ses parents avaient conçu.

C’est dans un magasin de lingerie, refuge ordinaire des femmes de toutes les conditions et de tous les âges, dont les révolutions ont ébranlé l’existence, où Joséphine s’était placée, que Gay-Lussac fit sa connaissance. Il vit avec curiosité une jeune personne de dix-sept ans, assise derrière le comptoir et tenant à la main un petit livre qui paraissait fixer vivement son attention. « Que lisez-vous, Mademoiselle ? fit notre ami. — Un ouvrage, peut-être au-dessus de ma portée ; en tout cas, il m’intéresse beaucoup : un traité de chimie. »

Cette singularité piqua notre jeune ami ; à partir de ce moment, les besoins inusités d’effets de lingerie le rappelaient incessamment au magasin, où il liait de nouveau conversation avec la jeune lectrice du traité de chimie ; il l’aima, s’en fit aimer, et obtint une promesse de mariage. Notre illustre confrère plaça, par imputation sur le futur douaire, la jeune Joséphine dans une pension, pour compléter son éducation, surtout pour y apprendre l’an-